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La suspension de la médiation du Qatar entre Israël et le Hamas acte un blocage total entre les deux parties. Les discussions, déjà au point mort, pourraient rester suspendues en l’absence de ce médiateur clé.
« Blocage total ». La décision du Qatar, annoncée samedi, de suspendre sa médiation entre Israël et le Hamas, sonne comme un coup d’arrêt pour les espoirs de trêve dans la bande de Gaza et de libération des otages israéliens retenus dans l’enclave palestinienne depuis l’attaque meurtrière du 7 octobre.
L’État du Golfe, qui joue un rôle clé dans les discussions, a mis ses menaces à exécution après avoir déjà informé les deux parties début octobre que « si un accord n’était pas trouvé lors de ce round », alors il suspendrait ses « efforts de médiation ». Or, le mouvement islamiste palestinien a récemment rejeté une proposition de trêve à court terme, exigeant un cessez-le-feu durable à Gaza, où la guerre a déjà fait plus de 43 000 morts, selon un décompte du ministère de la Santé du Hamas. De son côté, Israël a promis de poursuivre la guerre jusqu’à atteindre son objectif : anéantir le mouvement et ramener les otages.
« Blocage total »
La décision qatarienne acte une impasse qui ne date pas de ces dernières semaines. Depuis les quelques jours de trêve fin 2023, associés à la libération d’une dizaine d’otages, les négociations sont au point mort. « La décision est assez grave, parce qu’elle montre parfaitement qu’il y a un blocage total de la part des belligérants », analyse Didier Billion, spécialiste du Moyen-Orient et directeur adjoint de l’Iris.
« À la fois du côté du Hamas qui vient de refuser l’une des dernières propositions qatariennes, mais aussi du côté de Benyamin Netanyahou, qui n’envisage pas de compromis puisqu’il ne tient que par le refus de tout dialogue de ses ministres extrémistes, Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir », énumère Sébastien Boussois, docteur en sciences politiques et spécialistes du Moyen-Orient.
L’État du Golfe, qui abrite le bureau politique du Hamas et une base militaire américaine, est l’un des intermédiaires majeurs des pourparlers entre les deux camps, avec l’Égypte et les États-Unis. Mais il est le seul à se présenter comme « neutre », alors que l’Égypte borde la bande de Gaza et que les États-Unis soutiennent Israël. « Le Qatar les reprendra (les discussions), lorsque les parties feront preuve de volonté et de sérieux », a d’ailleurs tancé le porte-parole des Affaires étrangères de l’émirat, Majed Al Ansari. « Les Qatariens, voyant cette situation de blocage, ont tenté de hausser le niveau de la pression en se retirant du jeu », décrypte Didier Billion.
Statu quo
Comment envisager les semaines à venir sans ce négociateur important ? Pour les deux spécialistes, les discussions, déjà à l’arrêt, vont certainement rester sur pause. « Les Qatariens sont une pièce indispensable du dispositif. Sans eux, il n’y aura pas de négociations réelles dans les jours ou semaines à venir », indique Didier Billion. « Les négociations peuvent évoluer, non pas sans intermédiaire, mais dans une période de statu quo jusqu’à l’arrivée de Donald Trump », imagine quant à lui Sébastien Boussois. L’attitude du futur président des États-Unis, qui s’est déjà positionné comme un soutien à Israël, sera aussi déterminante quant à la poursuite des discussions.
Pour autant cette suspension n’est pas, pour l’instant, synonyme d’un retrait définitif. « Le Qatar restera habitué aux négociations et aux intermédiaires difficiles », assure Sébastien Boussois. Doha a d’ailleurs rejeté les affirmations selon lesquelles le bureau du Hamas pourrait être fermé. « Le Qatar, s’il obligeait la fermeture du bureau, se couperait de la possibilité de jouer un rôle efficace et efficient de médiateur », appuie Didier Billion.
Un signe que l’État du Golfe reste impliqué dans le dossier. Mais « le fil de l’espoir est très tenu et très fragile », alerte cependant le spécialiste du Moyen-Orient, fustigeant le « jusqu’au-boutisme » du Premier ministre israélien.Mathilde Durand