Soft Power et manœuvres géopolitiques d’influence
Dans ce dossier sont respectivement évoqués les nouveaux équilibres, de l’Asie, des États-Uni et de la Russie, en termes de gain de soft power ou d’affaiblissement des rivaux, via l’information sur le Covid-19.Dossier dirigé par François-Bernard Huyghe, avec les contributions de Pascal Boniface, Barthélémy Courmont, Marie-Cécile Naves et Yannick Harrel.
DES MANŒUVRES GÉOPOLITIQUES D’INFLUENCE ?
Par François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’IRIS
La pandémie, outre ses ravages sanitaires, a des conséquences économiques, sociales, institutionnelles, idéologiques qui modifient les rapports géopolitiques de puissance. Donc avec des gagnants et des perdants relatifs, comme nous le montre l’interview de Pascal Boniface. Mais il se développe aussi des actions d’influence : la règle du jeu est de pointer les responsabilités dans la diffusion du virus,de présenter les performances des différents régimes politiques ou le rôle des institutions internationales, de changer la perception de grands pays, leur soft power, etc. Cela consiste pour certains à favoriser discrètement les thèses douteuses ou contradictoires sur le Covid-19 ou à renouveler la pratique de ce que l’on appelait « diplomatie publique » pendant la guerre froide : s’adresser aux populations des autres pays pour vanter l’excellence de son système et dénigrer ses rivaux. Comme l’explique Barthélémy Courmont, dans le cadre d’une Asie plutôt résiliente face à la pandémie, la Chine, initialement mise en accusation pour avoir caché la gravité de l’épidémie à ses débuts, a vite pensé communication et lancé une opération d’image, où elle est présentée comme bienveillante et puissante à la fois. Quant aux États-Unis (cf. le texte de Marie-Cécile Naves), ils sont entrés, sinon dans un cycle de désinformation et contre-désinformation avec la Chine, du moins, dans une compétition rhétorique avec le grand rival. Le tout pendant que circulaient sur les réseaux sociaux internationaux des thèses complotistes, des accusations, des fausses nouvelles que ne parvenait plus à arbitrer un discours scientifique incontesté (voir les dossiers n°1 et 2). Et pendant que les grands du Net affirmaient leur volonté de combattre l’infodémie (épidémie de fausses nouvelles parallèles à la diffusion du virus). Quant aux Russes, à qui l’on avait attribué un tel rôle déstabilisateur sur les réseaux sociaux (Brexit, élection de Trump,référendum catalan, etc.) surtout depuis 2016, Yannick Harrel nous montre qu’en dépit des accusations de cyberattaques et de propagande subversive, ils pourraient bien être remplacés par la Chine dans le rôle du suspect habituel des futures guerres de l’information.