Ouest France : Après les combats, ils reviennent vivre à Stepanakert, la capitale du Haut-Karabakh par Jeanne Emmanuelle HUTIN

Stepanakert, le mur des soldats tués Reportage Arménie 2  | JEANNE EMMANUELLE HUTIN

Voici un an Stepanakert se vidait de ses habitants pris pour cibles de guerre. Mais aujourd’hui, ils reviennent vivre dans la capitale de l’Artsakh au Haut-Karabakh malgré les difficultés et la menace toujours présente.

« C’était les premiers jours de novembre 2020. Stepanakert était une ville fantôme. Il ne restait que des résistants armés qui se battaient pour la ville de Chouchi ​, se souvient Mme Agabalian, ancienne ministre de la Culture. On ne pouvait imaginer une seconde que la vie reprendrait. » ​Un an plus tard, des dizaines de milliers d’habitants sont revenues.

Au premier abord, la vie semble normale. Les fleuristes ont sorti leurs fleurs colorées. Des enfants rentrent de l’école. Devant le palais présidentiel, des voiturettes les attendent pour jouer. Mais sur la grande avenue silencieuse, les voitures sont rares. L’atmosphère est étrange. Le temps semble suspendu.

Il faut un peu de temps pour percevoir les visages inquiets, les yeux souvent levés vers les hautes montagnes : vers la ville de Chouchi, le « cœur culturel de l’identité arménienne » ​. Avant la guerre, ses antiques murailles rassuraient. Franchissant l’abîme du génocide de 1915, ses monuments témoignaient de la présence millénaire des Arméniens.

Mais aujourd’hui, elle est inaccessible. Son ombre est menaçante. Car Chouchi est perdue. Les armées de l’Azerbaïdjan y stationnent, prêtes à fondre sur Stepanakert à portée de tirs. On dit que s’y trouvent des mercenaires syriens, des combattants de Daech envoyés par la Turquie. Seule la force d’interposition russe les retient.

Celle-ci contrôle, sans mandat des Nations Unies, le corridor de Latchine qui sépare les belligérants et relie les Arméniens du Haut-Karabakh à l’Arménie. Il faut au moins 6 heures pour venir d’Erevan. La route interminable serpente aux flancs des hautes montagnes aux paysages splendides. Très peu de véhicules circulent. On s’arrête aux checkpoints. Rougis par le soleil, encagoulés, armes en bandoulières, de très jeunes soldats russes contrôlent attentivement les véhicules. On voit des chars camouflés, des postes de combats creusés, des postes militaires sur les hauteurs.

« Notre existence est en danger »

« Les forces de la paix russe apportent une sorte de quiétude ​, explique Achot Choulian, ancien Président de l’Assemblée Nationale. Grâce à elles, nous avons échappé au nettoyage ethnique complet de ce territoire. Mais cela ne fait pas disparaître la menace. » ​On redoute que la Russie qui avait soutenu l’Azerbaïdjan contre l’Arménie en 1994 change de position et qu’au moindre signe, l’Azerbaïdjan lance l’assaut : « Cela peut aller très vite. Et ce ne sont pas les jeunes appelés russes qui pourront tenir face aux mercenaires islamistes, » ​s’inquiète Zara. LIRE LA SUITE