Orient XXI : Le pétrole, une malédiction ou une chance ? par Jean-Pierre SERENI

Il n’est pas possible d’écrire l’histoire du monde arabe sans parler de l’histoire du pétrole. C’est ce que permet ce livre pionnier.

Orient XXIOn doit à un jeune universitaire français, qui utilise de nombreuses sources arabes et pas seulement occidentales, la première histoire arabe du pétrole. Drôle d’histoire à vrai dire. Partis parmi les derniers dans la course à l’or noir, un siècle ou presque après l’Amérique des trusts, la future Indonésie encore coloniale ou le Caucase russe, ils ont connu le mode traditionnel d’exploitation du brut. La concession donnait la propriété exclusive du gisement aux étrangers — surtout anglo-saxons —, et ne laissait aux pouvoirs locaux, le plus souvent dominés par les empires coloniaux, qu’un impôt modeste et nulle voix au chapitre.

Sans aucun concurrent, le contrat portait en général sur la quasi-totalité du territoire. L’environnement supportait les dégâts d’une jeune et rudimentaire industrie qui salit, pollue et compromet plus souvent qu’à son tour le mode de vie des populations installées là depuis des centaines d’années, leurs jardins, leurs pâturages ou leurs espaces collectifs.

PREMIÈRES GRÈVES

La première réaction vint des travailleurs recrutés sur place, mal payés et surexploités. En 1953, l’Aramco, la compagnie américaine qui a le monopole des pétroles d’Arabie saoudite connait la première grande grève des « forçats de l’or noir ». Les syndicalistes sont relayés bientôt par les militants nationalistes qui combattent le colonialisme finissant au nom de l’autodétermination et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Parallèlement, à New York, Londres ou Paris, de jeunes intellectuels venus des cinq continents remettent en cause le statu quo pétrolier. Les Arabes y sont actifs, notamment un haut fonctionnaire saoudien, Abdallah Al-Tariki, qui s’insurge : comment 85 % de la production mondiale de brut peut-elle être raffinée en dehors des pays producteurs ? La lutte passe de la politique, où les objectifs sont bientôt atteints avec la fin des empires coloniaux, à l’économie où tout reste à faire. LIRE LA SUITE