Orient XXI : Algérie-Maroc, les enjeux de la rupture par Khadija Mohsen-Finan

L’Algérie a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec le Maroc. Ce n’est que le dernier épisode d’une longue crise de confiance entre les deux pays, qui remonte aux années 1960 mais qui s’est approfondie avec le conflit au Sahara occidental.

Orient XXIpar Khadija Mohsen-Finan : Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe). Dernières publications : Tunisie, L’apprentissage de la démocratie 2011-2021 (Nouveau Monde, 2021), et (avec Pierre Vermeren), Dissidents du Maghreb(Belin, 2018). Membre de la rédaction d’Orient XXI.

C’est peu dire que les relations entre l’Algérie et le Maroc ont toujours été belliqueuses, chargées de tensions et ponctuées de conflits. En 1963, la guerre dite « des sables », portant sur le tracé frontalier en attestait déjà. Pour les dirigeants de ces deux grands États du Maghreb qui se disputent le leadership régional, la construction de l’ennemi extérieur reste un moyen de consolider leurs régimes politiques, en tous points opposés, et de raviver un nationalisme combien utile à la cohésion de la nation.

À partir de 1975, la compétition pour le leadership régional se cristallise sur le dossier du Sahara occidental, provoquant une rupture des relations diplomatiques entre 1976 et 1988. En 1994, la conflictualité n’a pas été dissipée avec le temps. Driss Basri, ministre marocain de l’intérieur, a laissé entendre que les services secrets algériens pouvaient avoir commandité l’attentat terroriste d’un hôtel à Marrakech qui a fait deux victimes espagnoles. Il instaure des visas d’entrée pour les Algériens et organise une campagne d’expulsion d’Algériens installés au Maroc, sans carte de séjour. La riposte d’Alger est sans appel, la frontière terrestre est fermée et le demeure encore — même s’il existe une forte contrebande — 27 ans après les faits, malgré les demandes d’ouverture du roi Mohamed VI.

LES OUVERTURES RATÉES D’ABDELAZIZ BOUTEFLIKA

Abdelaziz Bouteflika a tenté de rompre cette spirale de tensions et de ruptures. À peine élu, en 1999, il se rend aux obsèques de Hassan II, évoque les avantages d’un Maghreb débarrassé de ses vieux conflits et opte pour un climat de détente nécessaire pour aller de l’avant dans le développement de la région. Mais il a été choisi par l’armée algérienne pour être à la tête de l’État et ne peut ignorer les principes fondamentaux mis en place par les militaires qui gèrent la relation entre l’Algérie et le Maroc. Pour écrire une nouvelle page d’histoire, débarrassée des tensions récurrentes, il doit constamment ménager la chèvre et le chou, en réaffirmant régulièrement le soutien algérien à l’autodétermination du Sahara occidental. Un jeu d’équilibrisme qui ne satisfait pas la classe politique marocaine. LIRE LA SUITE