OPINION INTERNATIONALE – Menace de guerre de l’Algérie sur le Maroc ? Le choix de la France et de l’Europe. L’édito de Michel Taube

Pourquoi donc Alger (et non le peuple algérien bien entendu) multiplie les diatribes contre le Royaume du Maroc ?  Les pommes de la discorde sont nombreuses.

Depuis cinq mois, les autorités algériennes ont pris des décisions qui menacent de déstabiliser le Maghreb et de provoquer des ondes de choc jusqu’en Europe. En face, le Roi du Maroc, Mohammed VI, plus en phase avec le sentiment des citoyens algériens et marocains qui n’ont aucune animosité entre eux, multiplie les mains tendues, comme lors de son Discours du trône le 31 juillet dernier.

En août dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune accusait le Maroc d’être responsable des immenses feux de forêt en Kabylie – 89.000 hectares partis en fumée, mais aussi 90 morts, dont 33 militaires -. Deux semaines plus tard, le 24 août 2021, l’Algérie annonçait par la voix de son ministre des affaires étrangères, Ramtane Lamamra, la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, prétextant que Rabat aurait encouragé les indépendantistes du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), considérés par Alger comme une organisation terroriste, à revendiquer l’autonomie de la région.

Depuis, le pouvoir algérien va crescendo dans ses démarches hostiles au Maroc : le 22 septembre, Alger fermait son espace aérien aux avions marocains, civils comme militaires, et même aux aéronefs immatriculés au Maroc. Le 1er novembre, l’Algérie lançait une nouvelle diatribe, en accusant le Maroc d’avoir assassiné, par bombardement, trois Algériens dans le Sahara.  

Le chantage au gaz

Fin octobre, une nouvelle étape qui internationalise la menace algérienne sur Rabat a été franchie : l’Algérie refuse de reconduire le contrat du gazoduc GME. Le gaz algérien représentant 97% des besoins marocains, l’initiative pénalise directement la population marocaine, mais aussi les Algériens : depuis 2014, l’économie algérienne subissait la baisse des cours des hydrocarbures. Se priver des exportations vers le Maroc, c’est aussi appauvrir son propre pays (sa population et non ses dirigeants !).

Cette décision d’Alger, dans un contexte de flambée des prix et de crise énergétique mondiale, menace directement l’Europe, et en particulier l’Espagne, dont l’Algérie est le premier fournisseur de gaz. Certes, une partie des livraisons algériennes passe par un gazoduc sous-marin, le Medgaz, mais il est déjà exploité au maximum de ses capacités (8 milliards de mètres cube par an). Les compensations promises par l’Algérie, si elles semblent crédibles en termes de production, le sont bien moins s’agissant de l’acheminement du gaz vers l’Espagne, où l’on s’attend à une flambée des prix.

L’enjeu gazier est de taille. La souveraineté marocaine sur les fonds marins des côtes notamment sahraouies, où le phosphate contribue déjà à la puissance du Maroc avec le conglomérat OCP, légitimerait Rabat pour autoriser les activités de recherche et d’extraction de gaz et de pétrole, avec des conséquences évidentes sur les rapports de force entre les deux puissances nord-africaines : le Maroc deviendrait un concurrent immédiat de l’Algérie, menaçant sa position de principal exportateur d’hydrocarbures vers l’Europe.

En Europe, la décision d’Alger de suspendre l’approvisionnement de l’Espagne et du Portugal en gaz, qui va nécessairement provoquer l’augmentation des prix de l’énergie en Europe, a suscité de nombreuses désapprobations au Parlement Européen, notamment de la part de Andréa Cozzolino, présidente de la Délégation pour les pays du Maghreb.

Le Sahara, prétexte à l’agressivité d’Alger

Le Sahara est évidemment l’un des enjeux principaux du bras de fer que voudrait imposer Alger.

La tension est palpable dans la région et donne lieu régulièrement à des incartades entre voisins : ces derniers jours encore, l’armée marocaine a été contrainte d’engager une opération militaire dans la zone tampon du poste-frontière de Guerguerat (extrême sud) afin de rétablir le trafic routier au Sahara, entre le Maroc et la Mauritanie. Le Front Polisario a répliqué en déclarant l’état de guerre.

Il faut dire qu’un événement majeur est survenu ces dernières années : le 10 décembre 2020, le président américain Donald Trump a proclamé la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Vingt pays ont suivi, dont la Gambie, les Comores, le Sénégal et Haïti, qui ont ouvert des bureaux consulaires au Sahara occidental. De même, l’ouverture du consulat général des Émirats arabes unis à Laâyoune, le plus grand centre de l’ancienne colonie espagnole disputée entre le Maroc et le Front Polisario, a jeté de l’huile sur le feu. Avec cette initiative, Abu Dhabi a reconnu la légitimité du contrôle de Rabat sur le Sahara Occidental, réfutant toute revendication du Front soutenu par Alger. Alger a vivement critiqué cette initiative ainsi que la décision d’Abu Dhabi de suspendre la délivrance de visas aux citoyens d’Algérie et de 12 autres pays, dont la plupart sont à majorité islamique.

Le successeur de Trump, Joe Biden, n’a pas remis en cause cette reconnaissance. Le Sahara marocain compte de nouveaux alliés de poids. C’est peut-être pour freiner ou contre-balancer cette percée diplomatique du Maroc qu’Alger a décidé de jouer les gros bras.

L’armée algérienne aurait-elle besoin d’une « bonne » guerre pour sauver la face devant son peuple ?

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