On tâtonne royalement dans la République ! par Maître Carol SABA

On tâtonne royalement dans la République !

France (mais pas que) : Confinement – Déconfinement : Quelques réflexions rapides, en vrac, sur ce qui nous attend… !

Par Maître Carol SABA, Avocat à la Cour au Barreau de Paris

 

Le Premier Ministre Edouard Philippe a parlé à l’Assemblée Nationale. Pour sa majorité, (est-ce bien, encore, sa majorité ?), il a bien parlé. Certes. Comment il peut en être autrement ?! Tous au-garde-à-vous ! On a traversé les gilets jaunes… on traversera le coronavirus… ! Pour les autres, l’opposition qu’elle soit raisonnée, en construction ou en déconstruction, ou l’opposition déraisonnée systématiquement, pavloviennement, oppositionnelle, d’évidence, il y a lieu de le contester…

L’impression que j’ai eue, moi qui depuis le confinement cultive un regard « monacal » (puisque confiné) sur le monde et cherche à développer un peu plus de discernement sur les êtres et les situations, l’impression que j’ai eue, malgré le discours construit du PM, est qu’on tâtonne royalement dans la République ! On navigue à vue ! Et la vue ne me semble pas trop, ni bien dégagée !

Un déconfinement un peu trop décontracté provoquera un re-confinement un peu plus rigide… C’est évident, nous sommes dans une oscillation dont on ne maîtrise pas les mouvements…

Période trouble et dé-boussolante … mais pas sans risques non plus ! Les défis sont là, pour tous, et méritent une vraie réflexion, approfondie, et structurante au-delà des dates (du 11 mai) ou des besoins vitaux, économiques et autres de sortir du confinement, pour ne pas osciller dans l’autre sens, vers des schémas réducteurs de ce que nous sommes et de ce que nous devons être.

Par exemple, pour les Eglises par exemple, après la période de soumission totale aux autorités et de coopération en raison d’un risque sanitaire pandémique de santé publique, un vent de fronde est en train de pointer. Pas qu’en France d’ailleurs ! Il faut lire la lettre ayant une tonalité bien forte, que vient d’adresser l’archevêque d’Athènes et de toute la Grèce Jérôme, au Premier Ministre grec pour desserrer l’étau de la fermeture des églises très mal vécu en Grèce.

Aussi la crainte des Églises est de ne pas sombrer dans une ecclésiologie « virtuelle » électronique » de période de confinement, une ecclésiologie à distance, qui semble s’installer dans l’esprit et les habitudes des fidèles qui privées, de liturgies physiques, ont profité du développement des retransmissions des liturgies « électroniques » sur les réseaux sociaux. Mais pour sortir de ce risque, il ne faut pas non plus se précipiter dans une ecclésiologie de « distanciation » qui risque de s’installer pendant longtemps, où les rassemblements liturgiques seraient aseptisés ou, comme le proposent déjà certains, sur rendez-vous pour maintenir la distanciation physique et respecter les règles de distanciation…

Qui décideraient par exemple et comment, des choix des fidèles qui prendraient part ou pas à des « rassemblements » liturgiques n’accueillant pas plus que le tiers de la capacité d’accueil d’une église, afin de respecter les règles de distanciation ?!!! Et comment et sur quelle base, un système de « rotation » de la participation des fidèles, serait possible ecclesiologiquement parlant, et pratique humainement parlant ?! J’entends déjà les voix de la fronde de ceux qui considéreront tout cela, comme étant tout le contraire d’une ecclésiologie de communion… et comment justifier par exemple (le cas reproché au Premier ministre grec) de participer a des concerts de musique alors que les églises restent fermées ?

Oui, le sujet, les sujets, sont complexes et compliqués ! Et la crise est inédite ! Les maîtres mots qui risquent de trôner dans la prochaine période seront à mon sens : « distanciation » et « suspicion » … Tout le contraire de communion/convivialité, de confiance/fraternité … A bien entendre le PM, ce sera donc un balancier dans une pièce déjà déréglée dont les oscillations ne sont pas bien réguliers… En espérant que ce balancier sera juste, objectif et « en marche » !

En tout état de cause, il va falloir être vigilant sur les libertés publiques et individuelles dans les prochaines semaines …

Les démocraties, déjà grandement fragilisées par des décennies d’ultra libéralisme destructeur des valeurs et des solidarités sociétales au profit de toutes les formes d’individualisme, sortiraient-elles indemnes de cette crise complexe inédite ? Renforcées ? Ou encore davantage fragilisées ?

La crise est certes inédite, déstructurant encore davantage les gouvernances politiques déjà largement défiées et contestées… Mais le moment est grave et le Momentum exige, de plus en plus, une gouvernance d’union nationale. Non pas à la manière « politicienne » d’un coup de communication politique pour redorer l’image de nos gouvernants mais pour que l’effort national que la crise implique fasse l’objet de réponses signifiantes et d’un consensus national bien construit et assumé.

Le gage de réussite dans cette période, pour affronter le mal pernicieux et invisible (pas que le coronavirus !) qui nous ronge et nous menace, passe par la mise à l’écart des politiques politiciennes, car nous traversons une des périodes les plus dé-boussolantes qui touche aux valeurs de communion, de fraternité et de convivialité humaines…

On n’est encore qu’au début d’un processus politique inédit … Veillons à l’orienter dans la bonne direction !