Mme Catherine Colonna à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes

Je vous remercie d’être venus en nombre aujourd’hui pour célébrer en ce 8 mars la journée internationale des droits des femmes, une journée qui devrait se tenir 365 jours par an. C’est l’ambition de notre diplomatie féministe, que je voudrais aujourd’hui définir devant vous.

La diplomatie féministe c’est intégrer la promotion des droits des femmes dans nos toutes premières priorités. C’est prendre l’engagement d’agir pour défendre ces droits partout dans le monde. Agir chaque jour et durablement. Agir sans jamais se résigner.

Agir pour les droits des femmes exige en premier lieu que nous soyons à l’écoute de celles qui les défendent courageusement. Je reviens de New Delhi, où j’ai échangé avec des femmes remarquables, venant de toutes les composantes de la société indienne. Je l’avais récemment fait au Brésil ou en Côte d’Ivoire. S’enrichir de leurs expériences doit devenir le quotidien de toutes nos ambassades.

Nous devons aussi partager nos expériences et nos bonnes pratiques avec les pays qui sont, comme nous, engagés. Les diplomaties féministes sont récentes. La France était le quatrième pays à s’en doter, en 2018, sous l’impulsion de Jean-Yves Le Drian, après la Suède, le Canada et le Luxembourg. C’est pour cela que je propose que les douze pays ayant annoncé qu’ils portaient une diplomatie féministe se retrouvent pour une réunion dédiée d’ici la fin de l’année 2023.

Agir pour les droits des femmes, c’est condamner avec la plus grande fermeté les violences intolérables qui leur sont infligées et lutter contre l’impunité. Le viol est un crime et tous ceux qui le commettent devront rendre des comptes. C’est le cas pour les troupes russes en Ukraine, qui utilisent le viol comme arme de guerre, comme pour leurs commanditaires, qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il faut que justice soit faite et nous soutenons le travail de la Cour pénale internationale et des juridictions ukrainiennes compétentes en ce sens. Nous échangeons avec l’Ukraine et nos partenaires sur les moyens les plus efficaces d’y parvenir. Notre soutien se traduit aussi par des formations spécifiques de policiers et de magistrats ukrainiens. Nous soutenons enfin directement les femmes ukrainiennes, en finançant à hauteur de 4 millions d’euros le soutien du FNUAP aux femmes ukrainiennes victimes de violences sexuelles et les femmes ukrainiennes réfugiées. J’ai décidé que la France ajouterait une aide aux policiers ukrainiens qui enquêtent sur les viols et augmenterait sa contribution au fonds global pour les survivantes, créé avec notre appui par Nadia Murad et le Docteur Mukwege, avec une dotation supplémentaire et immédiate de 2 millions d’euros pour venir en aide aux survivantes ukrainiennes.

J’entends par ailleurs renforcer notre pression collective et pousser à l’adoption de sanctions plus ciblées contre les responsables et les auteurs de ces violences sexuelles, comme nous l’avons fait à 27 le 24 février dernier et comme nous venons de le faire hier contre douze individus et entités russes, iraniens, syrienne, sud-soudanais, birmans et talibans qui sont responsables de violations multiples des droits de l’Homme et des droits des femmes, qui en font intégralement partie.

Agir pour leurs droits, c’est dire notre admiration pour ce que le Docteur Mukwege appelle « la force des femmes », la force de celles qui survivent, la force de celles qui résistent, la force de celles qui risquent leurs vies pour leurs droits et pour la liberté. C’est récompenser leur immense courage. Je pense à Mahsa Amini, à qui j’ai décerné, avec la ministre allemande Annalena Baerbock, le prix franco-allemand des droits de l’Homme à titre posthume. Je pense à toutes celles et tous ceux qui défendent les droits de l’Homme et la liberté en Iran et partout ailleurs. Je pense aussi aux femmes et aux filles en Afghanistan, qui subissent l’ignoble politique de ségrégation imposée par les Talibans et sont ainsi effacées de la vie et des espaces publics, de l’école, de l’université et même de l’action humanitaire au bénéfice de la population afghane. Nous soutenons ces femmes et ces filles par plusieurs canaux, notamment pour des programmes en santé.

Agir pour les droits des femmes, c’est leur apporter un soutien concret. La France le fait notamment à travers le Fonds de soutien aux organisations féministes de 120 millions d’euros, que nous allons pérenniser et dont nous allons renforcer l’efficacité. La France accueille aussi des femmes engagées pour les droits et la liberté grâce à l’initiative Marianne qui permet à une quinzaine de défenseurs des droits de l’homme de séjourner un an en France, pour développer leur projet. Une deuxième promotion est arrivée en France depuis janvier et j’aurai la chance et l’honneur d’échanger avec plusieurs de ces représentantes toute à l’heure lors de notre table ronde. Vous pourrez aussi regarder les très belles photos de ces femmes courageuses, qui sont exposées à la fois sur les grilles et dans le salon de l’horloge juste à côté. Je voudrais leur rendre hommage, et remercier notre ambassadrice pour les droits de l’homme Delphine Borione, le préfet Alain Régnier, et Laura Loheac, la présidente de l’association Marianne pour tout leur travail sur ce projet.

Agir pour leurs droits, c’est aussi permettre aux femmes de faire le droit. Depuis la conférence de Pékin de 1995, la participation des femmes à la vie politique s’est accrue. Mais les progrès restent très insuffisants et plusieurs secteurs et processus de décision dans certains pays restent entièrement fermés aux femmes. Le Secrétaire général des Nations unies voit la perspective de l’égalité s’éloigner, à dans 300 ans ! Nous devons accélérer nos efforts et je souhaite d’ailleurs que les Nations unies mandatent une ou un émissaire pour accélérer ces progrès par le dialogue.

Une diplomatie féministe est aussi une diplomatie qui fait place aux femmes et qui assure l’égalité d’accès aux postes à responsabilité, comme cela se pratique désormais. La Haute fonctionnaire pour l’égalité, Michèle Ramis, veille au respect de ce principe au sein du ministère. Une diplomatie féministe, c’est aussi l’efficacité de la lutte contre le sexisme, contre les stéréotypes et contre le harcèlement sexuel au travail. Agir pour les droits des femmes, c’est avant tout les faire respecter chez nous. Je lancerai tout à l’heure le programme Tremplin, aux côtés de Roxanne Varza, directrice de la station F. Il doit permettre aux femmes diplomates méritantes de ce ministère de se projeter dans cette prise de responsabilité. Nous devons briser les plafonds de verre et les murs des clichés.

Mesdames et Messieurs,

Même si nous devons bien sûr poursuivre sans relâche nos efforts pour faire encore mieux et plus, je crois que nous n’avons pas à rougir de notre premier bilan.

Le Président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de ses deux quinquennats et, au-delà de nos frontières, il a fait de la France un champion de la promotion des droits des femmes. En 2019, il a placé cette question en haut de l’agenda du G7 sous sa présidence du sommet de Biarritz. J’ai parlé du fonds de Nadia Murad, que j’avais reçue avec émotion le 11 novembre 2022, et du Docteur Mukwege, j’aurais pu citer aussi nos efforts pour les femmes entrepreneures en Afrique. Jamais avant la tenue en 2021 du Forum génération égalité, organisé avec le Mexique et ONU Femmes, dont notre ambassadrice spécialement nommée pour cette initiative assure le suivi, la France n’avait accueilli un évènement de portée mondiale sur le sujet. Il a permis de former des coalitions internationales et de mobiliser environ 40 milliards d’euros d’engagements. Nous avons aussi fait de notre aide au développement un instrument pour l’égalité femmes / hommes : presque 50% des financements de l’AFD servent cet objectif, qui est inscrit dans la loi d’Août 2021.

Le Quai d’Orsay jouera pleinement son rôle de chef de file interministériel pour mettre en œuvre cette politique et rendra compte régulièrement de son action, au Parlement et auprès de la société civile.

Parmi les grandes échéances diplomatiques à venir, la France accueillera en 2024 le sommet de la francophonie, un moment majeur qui doit être aussi le début d’un dialogue continu entre les organisations féministes francophones. Je demande à nos ambassades d’œuvrer dès à présent en ce sens en identifiant les organisations concernées sur le terrain. Ce travail sera mené étroitement avec l’Organisation internationale de la francophonie.

Je le disais : les droits des femmes doivent être défendus partout. C’est le cas aussi de l’environnement numérique. Les efforts que nous avons déployés pour mieux protéger les enfants en ligne doivent nous inspirer pour agir en faveur de la liberté et des droits des femmes dans cet espace, qui quoique virtuel véhicule des violences bien réelles contre les femmes. Un travail de réflexion est lancé au sein de mon ministère pour mettre fin au harcèlement en ligne et mieux favoriser la liberté d’expression des femmes sur internet. Nous porterons le sujet aux Nations unies et au sein de l’Union européenne.

Ce ne sont pas les seules menaces à prendre en compte. Le changement climatique et l’insécurité alimentaire, largement aggravée par l’agression russe en Ukraine, pèsent de manière disproportionnée sur les femmes. Dans le monde, 70% des travailleurs agricoles sont des travailleuses. La désertification, le dessèchement de la terre, la raréfaction des ressources en eau les affectent directement. Je veillerai à ce que cet aspect soit pris en compte chaque fois que cela est pertinent, y compris lors de la prochaine COP28 à Dubaï.

Mesdames et Messieurs,

Il y a des sujets sur lesquels on ne peut pas faire de concessions. C’est le cas du droit à l’avortement et plus largement de celui de la santé et des droits sexuels et reproductifs. Les femmes, partout dans le monde, doivent avoir le droit de disposer de leurs corps. Et, selon l’OMS, une femme meurt toutes les deux minutes dans le monde des complications de sa grossesse. La France s’est âprement battue contre les reculs, aux Nations unies, auprès de nos partenaires, y compris les plus proches, et même en Europe. Pour que nous soyons parfaitement en ordre de bataille, je suis heureuse de présenter aujourd’hui notre nouvelle stratégie internationale de la France pour la santé et les droits sexuels et reproductifs, qui sera mise en ligne aujourd’hui. Cette stratégie n’est pas seulement celle de notre ministère, elle a été conçue en consultant les organisations de la société civile, que je veux ici remercier pour cela et pour leur engagement quotidien qui est indispensable à notre action collective. Nous n’avons pas attendu cette stratégie pour agir concrètement. Nous avons déjà sensiblement augmenté nos contributions financières, notamment via le FNUAP dont la directrice exécutive est aujourd’hui parmi nous. Elles atteignent 400 millions d’euros pour l’éducation complète à la sexualité, l’accès aux produits contraceptifs et l’avortement légal, sûr et médicalisé.

Je remettrai dans quelques instants le prix Simone Veil à Mme Morena Herrera fondatrice et présidente Groupement citoyen pour la dépénalisation de l’avortement au Salvador, car leur combat en faveur du droit à l’avortement est aussi notre combat.

Je vous remercie./.