Le bilan de la guerre pour la démocratisation déclenchée par les Occidentaux contre la Libye est désastreux, aussi bien pour la population que pour les institutions. Pour sortir de la crise, il est urgent de repenser la transition et de rompre avec la stratégie suivie jusqu’à maintenant.
Dix ans se sont écoulés depuis la fin du régime de Mouammar Kadhafi et la situation économique et sécuritaire en Libye est pire que celle d’avant la révolte de 2011. Soutenus militairement par les pays occidentaux, les rebelles n’ont pas été en mesure d’améliorer la situation comme ils l’espéraient. Ainsi, comme l’a souligné le philosophe Raymond Aron en citant Karl Marx,1, « Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas de plein gré, dans des circonstances librement choisies »2. Une formule qui trouve son illustration dans le cas libyen.
La guerre menée par l’OTAN sous l’égide de l’ONU en février 2011 avec le soutien de quelques pays occidentaux a détruit l’embryon d’État libyen légué par Kadhafi et rompu un processus interne de changement graduel initié dès 2000 par Seïf Kadhafi. Elle a gravement déstabilisé le pays, créant ainsi un vide politique et sécuritaire dangereux en Méditerranée et a plongé le pays dans une grave crise économique, sociale et morale. Elle a aussi rendu possible le développement de l’extrémisme islamiste, de l’organisation de l’État islamique (OEI) et d’Al-Qaida. Les différentes tentatives de mettre en place des institutions politiques efficaces et acceptées par tous ont été un échec. Les efforts des Nations unies de faire dialoguer les Libyens afin qu’ils trouvent une solution consensuelle de sortie de crise n’ont pas abouti, faute de résoudre deux problèmes cruciaux que sont la répartition équitable des richesses pétrolières et la réunification d’un pays profondément divisé.