Le même Protée poursuit cependant en murmurant à l‘oreille du président que le réchauffement climatique va libérer des glaces – sous la double influence de l’homme et des cycles naturels tels que l’oscillation Nord-Atlantique – la plus grande partie des eaux et des continents inclus dans le Cercle polaire Arctique. Or ce rivage invisible borde des pays aussi variés que l’Alaska, le Canada, le Groenland, l’Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie (notamment la Sibérie). Les satellites de Starlink (près de 7.000 unités) disent que les icebergs y fondent à toute allure mais surtout qu’il existe, au-delà de cette ligne de démarcation, un No man’s land immensément riche encore à conquérir.
Nonobstant un traité datant de 1920 – celui de Svalbard, instauré pour réglementer l’inlandsis arctique – les Américains aimeraient bien bouter hors de l’Arctique les Russes et les Européens. En réalité, ce sont les Chinois que l’Amérique redoute le plus en Arctique, sachant que le « premier arrivé » pourrait y contrôler les eaux (la pêche), le sol (l’agriculture et les forêts), le sous-sol (les terres rares et les hydrocarbures) et les accès (la route du Nord sera bientôt ouverte aux tankers toute l’année). Les Chinois ont l’inconvénient d’être trop nombreux, ce qui se transforme en avantage quand il s’agit de peupler des pays vierges ! La région arctique a d’autre part un caractère stratégique évident depuis la guerre froide, les missiles balistiques de la Russie pouvant facilement passer par le pôle Nord vers le continent américain !Ces considérations sont de nature à faire resurgir l’esprit de conquête qui anima jadis les ancêtres d’Elon Musk et de Donald Trump ! Aussi le tandem formé par le Sud-Africain et le pionnier yankee ne résiste-t-il pas à la tentation de mettre la main sur le trésor du Cercle Arctique Polaire. La population autochtone du Grand Nord Canadien, du Groenland ou de la Sibérie orientale qu’on nomme « les Esquimaux » est beaucoup moins nombreuse que les tribus « Indiennes » de la conquête de l’Ouest ou que les peuplades bantouphones de la Colonie du Cap.
C’est l’une des raisons pour lesquelles les États-Unis réclament sans vergogne aussi bien le Canada que le Groenland et c’est pourquoi ils se retirent sine die – sans aucune explication valable – de traités tels que l’Accord de Paris de 2015, adopté dans le cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), ainsi que de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de la même manière que, le 8 mai 2018, le président américain d’alors, le même Donald Trump, avait annoncé le retrait des États-Unis de l’accord de Vienne, en accompagnant sa décision brutale de sanctions économiques accablantes contre l’Iran ! L’Europe s’était alors couchée, la France la première… anticipant ainsi sur son retour à la case zéro de l’ordre primordial (en vigueur lors du dernier refroidissement global, ou de la dernière glaciation terminée il y a 12.000 ans), quand le dominant primait obligatoirement sur le dominé – avant l’existence de « nations », avant les « valeurs », avant Homère, avant Tocqueville ! Et voilà enfin pourquoi, Donald Trump et son équipe se précipitent chez MBS (qui a les sous, dont la Russie pourrait avoir besoin pour se remettre de la guerre et développer la Sibérie) pour y rencontrer le président Poutine. L’affaire de l’Ukraine sera une bonne affaire pour les trois : l’un sera remboursé en terres rares et l’autre en territoires. Trump veut à tout prix éloigner la Russie de la Chine et MBS, gardien au nom de son père des Deux Mosquées, veut être dans la cour des grands, sachant que les Russes sont ancrés aussi solidement à Mourmansk qu’ils entendent le rester aussi durablement à Vladivostok.
Pour le reste, les Russes et les Perses se méfient l’un de l’autre depuis toujours. Poutine est relativement isolé. Les Chinois ne sont pas invités. Quant aux Européens, ils sont anéantis.