Le ministère des Armées a lancé les travaux relatifs au développement du Rafale F5

Le rapport mis en annexe du projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30 indique que l’armée de l’Air & de l’Espace [AAE] disposera de 137 chasseurs-bombardiers Rafale à l’horizon 2030… alors que 185 étaient attendus à cette échéance selon la LPM en vigueur. Cependant, la « cible » finale n’a pas abandonnée… mais elle sera finalement atteinte en 2035. Du moins, si aucun changement n’intervient d’ici là.

Visiblement, le chef d’état-major de l’armée de l’Air & de l’Espace [CEMAAE], le général Stéphane Mille, s’accommode de ce nouveau calendrier.

« D’ici à 2030 près de soixante Rafale seront livrés. [en intégrant ceux qui le seront en 2023, ndlr]. Sur la stricte période de la LPM 2024-30, ce sont quarante-cinq Rafale qui seront livrés. Cependant, dix-sept Rafale seront prélevés sur l’existant pour les besoins export – je parle ici du solde des livraisons vers la Grèce et la Croatie. La transition vers le ‘tout-Rafale’ à l’horizon 2035 sera clairement relancée, avec un objectif confirmé de 185 appareils à terminaison », a rappelé le général Mille, lors d’une audition à l’Assemblée nationale.

Et celui-ci a justifié ce décalage par un souci de « cohérence ».

« Le Rafale, c’est une enveloppe, mais aussi de nombreux équipements à bord. Il y a souvent un débat sur ce que l’on appelle les ‘missionnels’. Pour les Rafale, il y a en particulier les pods TALIOS [système optronique d’identification et ciblage à longue portée] ou les radars AESA [à antenne active], qui voient plus loin. Nous en possédons en petite quantité, mais le projet de LPM nous fait passer d’environ 25 à environ 75 AESA en fin de période. Nous disposerons aussi, dès 2026, de 51 pods Talios. Aucune patrouille ne décollera sans pod Talios, alors qu’aujourd’hui nous nous agitons beaucoup pour en avoir un au bon endroit et au bon moment », a en effet expliqué le CEMAAE.

Et la dotation en nacelles TALIOS n’est pas sans conséquence sur les opérations. « Imaginés au départ pour reconnaître un objectif pour une attaque au sol, ils ont montré toute leur utilité pour l’identification visuelle, par exemple », a souligné le général Mille. Et c’est la raison pour laquelle les Rafale récemment envoyés en Lituanie dans le cadre de la mission Baltic Air Policing de l’Otan en étaient équipés.

« Lors de nos missions en Irak et en Syrie, nous nous sommes rendu compte que ce pod permettait de faire du renseignement. Ce n’était pas le cœur de la mission, mais on regardait et on apprenait des choses… », a confié le CEMAAE. Aussi, a-t-il poursuivie, « tout cela se construit donc au fur et à mesure » et « le projet de LPM prévoit donc un volume de pods plus important que celui que nous envisagions au départ ».

Quoi qu’il en soit, la flotte « Rafale » de l’AAE fera cohabiter des appareils de versions différentes. Si le F4.1, qui est le premier standard du combat collaboratif, a récemment été qualifié par la Direction générale de l’armement [DGA], les F4.2 et F4.3 ne devraient pas tarder à suivre… De même que le F5.

En effet, le général Mille a confié aux députés que le ministre des Armées, Sébastion Lecornu, avait récemment « validé le lancement des travaux de développement du standard F5 », c’est à dire « celui de la prochaine décennie ». Et d’ajouter : « Ces travaux seront réalisés dans le cadre de la présente LPM. Ils témoigneront de l’évolutivité du Rafale, que nous recherchons depuis plusieurs décennies ».

SCAF [Système de combat aérien du futur] ou pas, le développement du Rafale F5 est notamment indispensable pour garantir l’efficacité des Forces aériennes stratégiques [FAS] et de la Force aéronavale nucléaire [FANu] à l’horizon 2035… Ce appareil devra disposer des capacités nécessaires pour évoluer dans des milieux fortement contestés et porter le missile hypersonique ASN4G, appelé à succéder à l’actuel ASMP-A.

« Le standard F5 permettra au Rafale de garder un coup d’avance face aux menaces. Avec la généralisation des stratégies de déni d’accès, le maintien de notre capacité d’entrer en premier est un défi pour l’aviation de combat », a fait valoir le général Mille. Et il permettra surtout à l’AAE de retrouver une capacité de suppression des défenses aériennes adverses [SEAD], qu’elle a perdue avec le retrait du missile AS-37 MARTEL et celui de ses chasseurs-bombardiers Jaguar.

« La capacité SEAD est est centrale pour nos engagements futurs : elle nous permettra d’être beaucoup plus à l’aise dans des environnements de plus en plus contestés, alors que les matériels modernes vont se diversifier sur la planète », a dit le CEMAAE.

Or, s’il existe d’autres moyens [et approches] pour opérer en milieu contesté, comme le démontrent les exercices POKER, « le standard F5 permettra de disposer de toutes les capacités SEAD, même si les premières briques seront disponibles dans les développements à venir du standard F4. Je rappelle aussi l’arrivée prochaine du missile FMAN-FMC, qui ira très vite et permettra de percer les protections sol-air. J’ajoute qu’il existera d’autres missiles avec d’autres caractéristiques, plus furtifs », a développé le CEMAAE.

Quant au Rafale F5, on sait que ce sera un avion « très différent », avec, selon le général Mille, la capacité de traiter « d’énormes volumes de données », ce qui nécessitera notamment un câblage en fibre optique que les versions actuelles « ne sont pas capables de supporter ». Et d’insister : « Le F4 allait dans cette direction, mais c’est une autre échelle ».

En 2021, évoquant le standard F5, le général Frédéric Parisot, le numéro deux l’AAE, avait explique que « d’ici quinze ans », le Rafale allait être doté « d’un nombre impressionnant de capacités, dont certaines que nous n’imaginons pas encore ».