Alors que l’Allemagne s’apprête à fermer ses derniers réacteurs nucléaires, la première économie européenne compte s’appuyer massivement sur le gaz dans le but de générer suffisamment d’électricité. Pour mieux faire passer la pilule, le gouvernement assure que les nouvelles centrales thermiques que le pays prévoit de construire carbureront dans un second temps à l’hydrogène renouvelable. Celui-ci devra d’ailleurs également permettre de générer des carburants de synthèse pour l’automobile, alors que l’Allemagne est parvenue à assouplir l’interdiction par l’UE de vente des véhicules thermiques neufs après 2035. Mais ces décisions interrogent, tant la promesse d’une bascule des combustibles fossiles à l’hydrogène décarboné repose sur des bases fragiles, et pourrait servir à justifier des investissements nocifs pour le climat. Décryptage.
Comment maintenir à flot une industrie extrêmement gourmande en énergie tout en diminuant le recours aux combustibles fossiles les plus polluants, et en se privant dans le même temps de l’électricité bas carbone issue des réacteurs nucléaires ? C’est une équation quasiment impossible à laquelle l’Allemagne doit faire face, prise en étau entre des injonctions contradictoires. Car pour satisfaire la demande intensive de ses consommateurs, la première économie européenne n’a d’autre choix que de s’appuyer sur un socle de moyens de production pilotable, sans variations imprévisibles de l’offre. Autrement dit, avec la sortie de l’atome civil, sur du charbon ou du gaz malgré l’urgence climatique.
C’était tout le sens du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l’Europe, dont la construction a été interrompue par la guerre en Ukraine en février 2022. Depuis la coupure des livraisons par Gazprom, les centrales à charbon ont d’ailleurs été bien plus sollicitées que prévu outre-Rhin. Mais le gaz n’a pas dit son dernier mot, bien au contraire : en mars, le gouvernement a officialisé son souhait de presque doubler le nombre de centrales fonctionnant avec cette énergie fossile d’ici à 2030, en construisant 12 à 18 nouvelles grandes installations, pour sécuriser l’approvisionnement. Avant d’atteindre jusqu’à 150 gigawatts (GW) d’ici à 2045 (contre 27,5 GW aujourd’hui), soit plus de deux fois le parc nucléaire actuel de la France, selon le Fraunhofer Institute.
Pas d’inquiétude cependant, si l’on en croit la coalition au pouvoir : ces engins ne fonctionneront qu’au moment des pointes de demande, puisque d’ici à 2030, l’électricité devra être à 80% d’origine renouvelable. Surtout, et l’expression a fait couler beaucoup d’encre, les centrales en question devront être « hydrogen ready » (prêtes pour fonctionner avec de l’hydrogène), a assuré dans la foulée le chancelier Olaf Scholz. De quoi permettre de pallier l’intermittence des renouvelables, dont la production dépend largement des conditions météorologiques, sans pour autant s’appuyer sur les fossiles, a promis le chef du gouvernement.