L’architecture phénicienne dans le triptyque de l’Occident

La marque des Phéniciens sur le paysage était profonde puisqu’ils ont introduit la culture de la vigne et de l’olivier, développant toute une industrie révélée par les nombreux pressoirs taillés dans le roc vif partout en Phénicie et dans ses fondations. Ils passaient aussi pour des maîtres en architecture. La Bible des Hébreux nous apprend qu’au Xe siècle av. J.-C., le roi Hiram, ami du roi David, envoyait des architectes et des artisans de Tyr et de Byblos pour la construction du temple de Jérusalem.

L’expansion commerciale de Tyr remonte au Xᵉ siècle av. J.-C., faisant des Phéniciens les précurseurs dans le modèle des relations pan-méditerranéennes. Par endroits, leur implantation a connu une durée considérable, comme dans la péninsule ibérique où elle s’est étendue de 950 à 200 av. J.-C., soit sept siècles de présence attestée. Cyprian Broodbank souligne le lien entre le concept de mondialisation et les Phéniciens, notant que, dès le début du premier millénaire av. J.-C., ces derniers avaient dessiné la perspective pan-méditerranéenne en sillonnant les mers entre les côtes du Liban et les Colonnes d’Hercule.

L’organisation du territoire

Contrairement aux idées préconçues, la présence phénicienne ne se limitait nullement aux ports. Son influence était profonde sur le territoire. Cette trace se traduisait par l’architecture, dont les temples et leur aire sacrée dite téménos. Elle apparaissait aussi dans le paysage par le développement de l’agriculture et l’introduction de certaines architectures ou industries mégalithiques, voire monolithiques, taillées à même le roc vif. Tout évoque le pays d’origine.

L’architecture funéraire montre deux traditions phéniciennes, celle des stèles, notamment des obélisques, et celle des caveaux monumentaux, ou hypogées, et des sarcophages mégalithiques creusés parfois à même le sol rocheux, comme le montrent encore plusieurs sites dispersés dans les forêts et les montagnes libanaises.

L’implantation des cités à Malaga rappelle aussi celles du Liban, établies sur les embouchures des rivières. La Sardaigne offre un exemple de l’empreinte phénicienne sur le paysage de l’arrière-pays, loin d’être limitée aux ports et au commerce maritime comme le laissent croire certains clichés.

La marque des Phéniciens sur le paysage était profonde, puisqu’ils ont introduit la culture de la vigne et de l’olivier, développant toute une industrie. Elle est révélée par les nombreux pressoirs taillés dans le roc, comme à Beyrouth, Anfé, Zaarour et partout en Phénicie et dans ses fondations. Les recherches sur l’ADN ont démontré l’origine levantine de ces plantes dans plusieurs régions de Malte, d’Ibérie et d’Italie. Carolina Lopez-Ruiz cite surtout le traité de l’agriculture du carthaginois Magon (vers le IIIᵉ-IIᵉ siècle av. J.-C.), traduit par les Romains et utilisé comme référence des siècles durant.

Les Phéniciens passaient aussi pour des maîtres en architecture. La Bible des Hébreux nous apprend qu’au Xᵉ siècle av. J.-C., le roi Hiram de Tyr, ami du roi David, n’envoyait pas simplement le bois de cèdre à Salomon, mais aussi des charpentiers et des maîtres maçons venus de Tyr et de Byblos avec des architectes et des artisans pour la construction du Beit ha-Miqdach, le temple de Jérusalem. Ces grands constructeurs de navires rapides, tels que les birèmes et les quinquérèmes injustement attribuées aux Grecs, possédaient les meilleures techniques pour les charpentes.

L’architecture phénicienne de ce Xᵉ siècle était caractérisée par une certaine monumentalisation de l’habitat et par l’emploi de colonnes dans les lieux de culte. Les exemples les plus connus sont le type du « temple aux piliers » et la « maison aux sept piliers ». Pour Camille Aboussouan, cette dernière est fort intéressante puisqu’elle survivra jusque dans la maison vernaculaire de la montagne libanaise. C’est en 1936 que Maurice Dunand avait découvert, à Byblos, les traces de cette architecture qui constituait la plus ancienne habitation connue jusqu’alors. Là aussi, la Bible nous sert de référence puisque nous lisons dans le Livre de la Sagesse (chapitre 9, verset 1): « La Sagesse a bâti sa maison; elle a taillé ses sept colonnes. »