Aux États-Unis, la presse continue de détailler des documents militaires classés « top secret » qui ont fuité sur les réseaux sociaux. De nouveaux textes donnent des informations précieuses sur l’état de l’armée ukrainienne.
Dimanche 9 avril, le New York Times a diffusé une note du Pentagone du 28 février selon laquelle la défense aérienne ukrainienne est en mauvaise posture. Au rythme où elle utilise ses batteries sol-air (notamment les S-300 et les Buk de l’ère soviétique, de moyenne à longue portée) pour se protéger des attaques de drones et de missiles russes, elle aura épuisé tous ses stocks d’ici le 3 mai au plus tard.
Sans afflux massif de nouvelles munitions, elle ne pourra plus garder le contrôle de son espace aérien. Moscou aura donc le champ libre pour envoyer ses avions de chasse, ses bombardiers. Et peut-être changer le cours de la guerre.
Une prime aux soldats russes qui visent les chars de l’OTAN
Ce scénario, on le sait, préoccupe les Américains, même si du matériel commencer à arriver à Kiev en prévision de son offensive, prévue dans les prochaines semaines : des chars, des véhicules de combat, mais aussi des système de défense anti-aérien, dont les fameux missiles Patriot sur lesquels plusieurs dizaines de soldats ukrainiens terminent leur formation.
On apprend d’autres choses dans ces documents : entre autres que le groupe Wagner cherche à acheter des armes à la Turquie. Que l’Ukraine est en train de mettre sur pied douze brigades (soit près de 50 000 hommes au total), dont neuf entraînées et équipées par les États-Unis.
Ou encore, toujours selon le New York Times, que la Russie aurait promis une prime aux soldats qui parviennent à endommager ou à détruire des chars fournis par l’Otan. Cette sorte de bonus fait « partie d’un ensemble plus vaste d’initiatives destinées à remonter le moral des troupes« , « des vidéos de chars détruits seraient d’ailleurs largement diffusées pour les rassurer sur leur capacité à vaincre ce nouvel armement ».
Des fichiers sujets à caution
Si certains fichiers sont jugés authentiques, d’autres en revanche ont été falsifiés. Notamment pour minimiser les pertes russes. Comme le soulignent Yaroslav Trofimov, du Wall Street Journal, ou Aric Toler, de Bellingcat, l’estimation américaine de 43 500 morts dans les rangs de l’armée russe est ramenée à 17 500, tandis que 17 500 morts ukrainiens sont devenus 71 500 morts. De même, les pertes de véhicules russes sont passées de 6 004 à 600.
Ils restent donc sujet à caution et pourraient faire partie d’une opération de désinformation menée par la Russie. Ces informations « ultra-sensibles » mettent en tout cas le monde du renseignement dans tous ses états. Après le Pentagone, le ministère de la Justice a ouvert une enquête samedi 8 avril.
L’affaire la plus importante depuis WikiLeaks
À ce stade, plusieurs hypothèses restent envisagées, allant d’un employé mécontent à un État désireux de nuire aux intérêts de sécurité nationale des États-Unis. L’affaire est déjà considérée comme l’une des plus graves atteintes à la sécurité nationale depuis les WikiLeaks, il y a dix ans.
Si les États-Unis ont pu laisser fuiter ces informations, leurs alliés (au premier rang desquels l’Ukraine) hésiteront sans aucun doute à leur confier leurs renseignements. Quant aux sources que les services américains utilisent, notamment en Russie, elles pourraient également être menacées.
Même la France est ciblée : certains documents (qui ne proviennent pas de l’armée française) attestent que des militaires français sont engagés en Ukraine. Sollicité par le journal Le monde, samedi, le ministère des armées a démenti.