La Croix -Turcs de France : une communauté sous influence ? Enquête par Marianne Meunier

Armenians and Turks demonstrate independently, separated by Police, in front of the Senate. Turkish protesters oppose a bill making it illegal to deny the 1915 killing and massacre of Armenians where as Armenians demonstate to support the bill which the Senate passed 127 to 86 making denial of the genocide illegal. The bill has strained relations between Paris and Ankara. In this photo France's Turkish community protest and deny the Armenian genocide and oppose the Senate bill. (Photo by John van Hasselt/Corbis via Getty Images)

Mal connue faute de passé commun avec la France, la communauté turque n’est mise en lumière que lors d’événements négatifs. La source d’un malaise entretenu par le recul de la démocratie à Ankara et ses relations souvent houleuses avec une France méfiante envers l’islam turc. Rencontre avec des femmes et des hommes qui craignent, des deux côtés, un procès en loyauté.

Au téléphone, elle avait dit « oui ». « Oui » pour raconter ses 20 ans, sa vie de fille de travailleurs turcs dans une douce ville de l’ouest de la France, ses liens avec son pays natal, son avis bien à elle sur le président Erdogan. Un « oui » enthousiaste, sans réserve. Le billet de train était donc pris. Et puis, la veille du départ, ce SMS : « Pour demain ça ne va pas être possible, ma mère ne veut pas, elle a peur ensuite que j’aie des problèmes avec les autres Turcs. »

La peur… Elle s’immisce si souvent dans les échanges avec les Turcs en France (1)… Comme un Père Fouettard aux aguets, elle surgit et, d’un froncement de sourcils, étouffe une critique, dicte une réponse de convenance, ordonne le silence. Même lorsque la conversation contourne les terrains minés : le sort de la minorité kurde, le génocide arménien, le penchant autocratique du chef de l’État… D’ailleurs, avant notre habitante de l’Ouest, un entrepreneur franco-turc dans une grande métropole a eu peur lui aussi. Si peur qu’il a d’emblée exclu de parler. Il faut dire qu’un mauvais coup l’a échaudé. Il y a trois ou quatre ans, quelqu’un l’a dénoncé aux autorités d’Ankara. Pourtant, la politique n’est pas du tout son rayon. Mais on lui a prêté à tort des liens avec le mouvement Gülen, cette confrérie islamique que le président Erdogan accuse d’avoir cherché à le renverser en 2016. Pendant un temps, il s’est bien gardé de tout voyage à Istanbul. Tant d’autres, frappés de la même accusation, n’ont pu en partir après avoir été privés de passeport.

Entre répression et méfiance

« En ce moment, les tensions en Turquie se reproduisent à l’étranger à un niveau particulièrement élevé, observe Tony Rublon, qui réalise une thèse de géographie à l’université de Poitiers sur l’encadrement des communautés originaires de Turquie. Rien que depuis 2020, une centaine de membres du mouvement Gülen ont été arrêtés dans le monde. Il est très compliqué de passer pour neutre. Même si vous ne prenez pas position, on….LIRE LA SUITE RESERVE AUX ABONNES