« Jours de joie » de Arne Lygre

Magnifiques Virginie Colemyn et Cécile Coustillac

Cette belle et efficace pièce de l’auteur norvégien Arne Lygre est mise en scène et scénographiée par Stéphane Braunschweig, dont la réputation n’est plus à faire, tant son talent et sa créativité nous enchantent.

D’emblée, la grande scène de l’Odéon s’offre à nous comme un joyau. Tout est beau, tout est graphique. Sous la lumière subtile de Marion Hewlett, nous assistons à une symphonie en Noir et Blanc : le panneau en fond de scène, et les tuyaux qui la traversent, sont en noir et un long et magnifique banc d’un blanc immaculé occupe      ce bel espace. Le sol est jonché de feuilles aux couleurs d’automne, saison morose, s’il en est. En contrebas, un cimetière…

Deux personnages s’installent sur un banc : la fille (Cécile Coustillac) et la mère (Virgine Colemyn). Celle-ci justifie le choix de ce lieu pour venir bavarder avec sa fille  qu’elle n’a pas vue depuis longtemps: « Je suis simplement passée par là un jour, là-haut sur la route, et j’ai vu ce banc ici, en bas, au bord de la rivière, et alors je me suis dit que je devrais m’y arrêter un peu, et depuis j’y suis revenue encore et encore ». C’est simplement dit mais tellement émouvant… L’atmosphère semble paisible et sereine. Alors s’entame un dialogue un peu difficile entre ces deux femmes, qui ne se sont pas vues depuis longtemps. Tandis qu’elles attendent le fils qui tardera à venir, un étranger s’installe sur le banc, au grand désarroi de la mère et de la fille.

Puis, tour à tour les huit excellents interprètes arrivent, jouant chacun 2 rôles, d’où l’effet miroir du Moi et de l’Autre Moi. Finalement bon gré mal gré, des couples, un veuf, un orphelin, des célibataires s’installent petit à petit sur le banc. La dynamique des échanges entre chacun des personnages donne du rythme, ce qui augmente l’intérêt de l’écoute. Des personnages qui, a priori ne se connaissaient pas, discutent, échangent et s’abandonnent aux confidences : ruptures, désamours, retrouvailles, jalousie, déchirements, blessures,….

Il ressort qu’ils ont tous, plus de points communs qu’on pourrait le penser. Parce que, en fait, quels que soient les ressentis et les réflexions plus ou moins philosophiques sur la vie, le temps qui passe, la mort, le bonheur ou le mal de vivre sont notre lot commun lié à la condition humaine.

Finalement, les différentes situations engendrent  une symbiose, une énergie qui se dégage du groupe et qui donne de l’espoir, nous laissant entrevoir une certaine joie  de vivre et, somme toute, un certain bonheur  à être ensemble. En quelque sorte, « Carpe Diem ! » nous suggère Arne Lygre !

« Jours de joie» est une pièce où la puissance des mots – parfois masqués de non-dits, de paroles retenues –  est libérée, donnant des atmosphères contrastées d’une étrangeté singulière…C’est en cela que la dimension théâtrale prend tout son sens. Les artistes évoluent dans un espace où règne la mélancolie, certes, mais aussi la beauté,  la sobriété et l’élégance ; ils nous communiquent la jouissance d’exister. Bravo à toute l’équipe pour ce spectacle qui nous concerne tous.

La vie est belle, puisque c’est « Jours de Joie » dans ce splendide théâtre de l’Odéon !

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***  Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’odéon 75006 Paris.

Réservations : 01 44 85 40 40 / www.theatre-odeon.eu

A voir, jusqu’au 14 octobre 2022