IRIS : Le retrait d’Afghanistan : vingt ans de guerre pour rien ? Le point de vue de Karim Pakzad

Le point de vue de Karim Pakzad

En marge du retrait des forces américaines et occidentales d’Afghanistan, les talibans reconquièrent un par un les districts afghans, mettant en déroute l’armée afghane et menaçant de reprendre, à terme, le pouvoir à Kaboul. Face à cette recrudescence de la menace talibane et à l’heure du retrait américain, le constat est amer : la situation sur le terrain ne semble pas s’être améliorée, voir semble s’être dégradée. Existe-t-il encore des perspectives pour l’Afghanistan, autres que celle d’un retour des talibans au pouvoir ? Le point avec Karim Pakzad, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste de l’Afghanistan.

Le retrait des soldats américains et de l’OTAN suit son cours, et le vendredi 2 juillet, la grande base militaire de Bagram, lieu symbolique de cette guerre, est évacuée. Plusieurs mois après la décision de mettre fin à l’intervention occidentale face aux talibans, peut-on parler d’une guerre pour rien pour les États-Unis ?

Au bout de 20 ans de guerre menée par les États-Unis en Afghanistan, les conditions d’évacuation de la grande base militaire de Bagram, symbole de la présence militaire américaine en Afghanistan située à 50 kilomètres de Kaboul, sont assez significatives de l’empressement et de l’urgence dans lesquels s’organise le retrait des forces américaines. Les responsables militaires afghans ont précisé par la suite qu’ils avaient pris connaissance du départ des troupes américaines quatre heures après, lorsque l’électricité de la base avait été coupée. Après la destruction de matériels et armements sophistiqués, près de trois millions d’armes et de matériels ont été laissés sur place, dont plusieurs dizaines de voitures blindées sans clés, des armements légers avec leurs munitions, etc. Le lendemain, une partie de ce matériel se retrouvait déjà sur les étals du marché noir de Bagram. Cette évacuation a été humiliante pour les Américains tout en nourrissant la colère de ceux qui leur faisaient confiance en Afghanistan.

Cette guerre s’est achevée sur une défaite, prévisible depuis les années 2010-2011, lorsque Barack Obama avait décidé d’envoyer 20 000 soldats supplémentaires pour l’achever une bonne fois pour toutes, décision à laquelle s’opposait Joe Biden, alors vice-président.

Au cours de cette guerre destructrice, plus de 70 000 soldats afghans, 100 000 civils ainsi que 4 000 soldats de la force internationale, dont 88 soldats français, sont morts. Les talibans sont devenus immensément plus forts qu’il y a 20 ans et aspirent aujourd’hui à revenir au pouvoir. C’est ce constat qui pousse à qualifier, 20 ans après, cette guerre d’« absurde », mais aussi d’« humiliante » pour l’image des États-Unis, et de « destructrice et sanglante » pour la population afghane.

Les talibans s’emparent de multiples districts dont celui de Panjwai, ancien foyer taliban, le 4 juillet dernier. La nuit suivante, à la suite d’affrontements entre l’armée et des talibans dans le nord-est du pays, des milliers de soldats afghans se sont réfugiés au Tadjikistan. Depuis le départ progressif des Occidentaux, quelle est la situation de l’armée afghane ?

Les talibans qui se trouvaient dans une position de force vis-à-vis de l’OTAN, puis des forces américaines et de l’armée afghane depuis maintenant plus de dix ans, ont conclu un pré-accord de paix avec les Américains en février 2020 à Doha. Or, dans cet accord, par lequel les Américains avaient pratiquement accepté …. LIRE LA SUITE