
Le feu, le glaive & la déchéance de l’Occident
Israël a pulvérisé ce qui restait de confiance des peuples en leurs gouvernements, leurs institutions et les lois cumulées au fil des siècles pour sécuriser le monde.
Israël traumatise des millions de personnes aux quatre coins du globe. Peut-être même des milliards – les sociologues travailleront un jour sur la question et le confirmeront. Ces millions ou milliards de gens ont du mal à croire ce qu’elles voient – la tuerie quotidienne à Gaza –, mais il le faut bien.
Ils peinent à croire qu’un peuple puisse être aussi cruel, si sadique, si empreint de haine et de mépris au point de vouloir anéantir non seulement un peuple, mais aussi ses maisons, ses hôpitaux, ses écoles et ses universités, jusqu’à l’herbe et les champs du pays. Car même le sol palestinien est un ennemi.
Mais c’est pourtant ce qu’ils voient et sont bien obligés de reconnaître. Ils voient aussi que ces tueurs prennent plaisir à détruire, s’en réjouissent, s’en vantent et annoncent même de nouvelles exactions.
Il ne s’agit pas d’une minorité dérangée que des soins psychiatriques pourraient peut-être soulager, mais du gouvernement et, comme le montrent régulièrement les sondages, de la majorité du peuple israélien.
Même les nazis dissimulaient leurs actes, mais ces tueurs d’enfants, d’anciens, d’affaiblis, de malades et de handicapées, totalement impuissantes face à cette violence, exposent au grand jour leurs agissements.
Et ils sont fiers de leurs pratiques. Ils n’éprouvent pas le moindre sentiment de honte en braquant leurs armes sur des personnes sans défense. Ils nous assomment tous les jours, comme pour dire, façon truand de base : “Et alors, vous comptez faire quoi ?”
Ils le clament sans complexe, car ils savent que de nombreux gouvernements les soutiennent. Au lieu de mettre fin au génocide, ces gouvernements interdisent aux manifestants de s’y s’opposer. Près de 900 personnes ont été arrêtées au Royaume-Uni il y a quelques jours, et plus de 400 peu de temps avant.
Nous ne sommes pas au troisième millénaire avant Jésus-Christ. Nous sommes au troisième millénaire après le début de l’ère chrétienne. Nous ne vivons pas au temps où des êtres à moitié nus et affamés vivaient dans des grottes autour d’un feu, à l’affût des prédateurs prêts à les détruire. Ou peut-être que si ? Les prémisses d’un monde primitif et prédateur sont aujourd’hui réunies à Gaza, car c’est précisément le concept de génocide mis en œuvre par Netanyahu.
Israël a anéanti toute la confiance que les populations avaient dans leurs gouvernements, leurs institutions et les lois cumulées au fil des siècles pour sécuriser le monde. Leurs “dirigeants” se sont finalement avérés ne pas être des gestionnaires, mais des traîtres et des opportunistes.
Leur lâcheté absolue est stupéfiante. Même un génocide ne suffit pas à les faire réagir. Même le meurtre de plus de 20 000 enfants. Ils courbent l’échine devant ces tueurs au lieu de les combattre, de les affronter avec leurs propres armes, de les mettre au défi de commettre le pire.
Ils pourraient mettre fin au carnage sans prendre les armes. Il suffirait de bannir toute relation avec Israël. Pas d’armes, pas d’argent, pas de relations diplomatiques et exclusion de l’ONU, mais ils ne se hasardent pas à brandir ne serait-ce qu’une seule de ces sanctions.
À mille lieues d’un boycott, le Royaume-Uni reçoit le “président” de la Palestine occupée alias “Israël”, Isaac Herzog. Sa fonction est décrite comme “essentiellement protocolaire”, ce qui autorise sans doute Starmer à le rencontrer, au risque de s’attirer l’hostilité de l’opinion publique et parlementaire.
Sa fonction n’est peut-être “essentiellement protocolaire”, mais Herzog parle au nom du régime et, à ce jour, n’a pas dénoncé le bain de sang et la violence qui règnent à Gaza. Le génocide n’est certainement pas “essentiellement protocolaire”. Herzog est qualifié de “modéré”, comme n’importe qui le serait comparé à Netanyahu et à ses ministres de la mort.
Herzog le “modéré” tient tous les Palestiniens pour responsables des événements du 7 octobre et de ce qui en a résulté. Il brandit des photos de soldats israéliens émaciés retenus captifs à Gaza, mais pas une seule photo d’enfants palestiniens ou de civils palestiniens décharnés – et non des soldats – bouclés sans inculpation dans les prisons israéliennes.
On ne compte guère, au sein des gouvernements et des institutions de l’“Occident” prétendument civilisé, de responsables osant défier Israël – mais une femme a su oser, Francesca Albanese. Elle est presque la seule, au plus haut niveau international, à avoir eu le cran de s’opposer à ce régime génocidaire, malgré les menaces de mort contre elle et sa famille. Dans une ONU progressivement dévoyée par Israël et Trump, elle représente une lueur d’espoir, le signe que tout n’est pas encore perdu.
Israël avance à grands pas vers une fin programmée. Bien sûr, il a toujours gagné et, par conséquent, il gagnera encore. Avoir gagné avant signifie, par axiome, qu’il gagnera encore, encore et toujours. Il gagne, bien sûr, mais grâce aux armes et aux dollars américains, sans lesquels il ne gagnerait RIEN.
À ce point de l’histoire humaine, particulièrement sombre et régressif, infiniment pire que la jungle de Hobbes avec la technologie qui permet aux puissants de massacrer des innocents sans prendre le moindre risque, Israël est convaincu que rien ne peut désormais l’arrêter.
Le succès de l’attaque iranienne au missile n’est pas interprété comme une invitation à faire marche arrière et à reconsidérer la situation, mais plutôt comme un encouragement à attaquer l’Iran à nouveau, comme une créature aveugle dont la seule ambition serait le meurtre.
La Palestine a été livrée aux sionistes par le feu et le glaive, et non dans le respect des valeurs morales, des droits de l’homme et du droit international. En réalité, c’est “l’Occident” qui a fait don de la Palestine aux sionistes, et les a laissés s’en tirer à bon compte après la Nakba, mais dans leur vision infatuée d’eux-mêmes, les sionistes s’attribuent tout le mérite.
Le passé – en l’occurrence, le feu et le glaive – a toujours prévalu, et prévaudra encore. C’est bien sûr une illusion, car rien ne présage que le passé se reproduise, et encore moins l’avenir, d’autant plus que le feu et l’épée d’Israël ont toujours été largement financés, d’abord par le Royaume-Uni et la France, puis, depuis les années 1960, principalement par les États-Unis.
Quid du jour où les États-Unis refuseront ou ne seront plus en mesure de servir de bouclier ?
Les stratèges d’Israël ont certainement envisagé ce scénario. Selon eux, le “Grand Israël” leur procurera à terme territoires et ressources (pétrole, gaz naturel et eau notamment) leur permettant de se passer définitivement de cette “relation privilégiée”. Mais les États-Unis doivent rester à disposition en attendant, car Israël risque de ne pas trouver d’autre bienfaiteur.
La relation symbiotique entre États-Unis et Israël a bien profité aux deux pays, mais alors que des fissures apparaissent déjà dans cette “relation privilégiée”, Israël pourra-t-il compter sur le soutien des États-Unis jusqu’à pouvoir voler de ses propres ailes ?
On répète régulièrement au peuple américain que les États-Unis et Israël sont attachés à des valeurs et des intérêts communs, mais aucun État n’a jamais été lié indéfiniment à un autre par des valeurs et des intérêts communs, et les États-Unis et Israël ne font pas exception, malgré tous les grands discours.
Le génocide de Gaza creuse désormais un fossé toujours plus profond dans la “relation privilégiée” évoquée par Stephen Walt et John Mearsheimer dans leur ouvrage publié en 2007 sur le lobby israélien.
Les politiciens sont de plus en plus nombreux à oser s’exprimer. Le Congrès continue d’adopter des lois favorables à Israël, mais une lueur d’espoir s’est dégagée du vote de 27 sénateurs Démocrates en faveur des résolutions de Bernie Sanders pour bloquer deux ventes d’armes à Israël. Elles n’ont pas obtenu le soutien de la majorité, mais constituent au moins le signe avant-coureur de changements plus conséquents, alors que de plus en plus de membres du Congrès se sentent encouragés à tenir tête au lobby.
Israël fait le pari qu’avec le concours des États-Unis, il pourra imposer par la force les accords qui lui conviennent.
Ce sera la concrétisation de la vision d’Israël d’Ehud Barak, la “villa dans la jungle”, tout confort, étincelante de lumière au milieu d’un paysage apocalyptique de désolation où étendre ses activités. Le récent plan GREAT (Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation) constitue le dernier fleuron de cette folie.
Israël agit sans retenue ni méfiance, comme si “l’histoire” lui était toujours favorable. Mais il n’en sera rien, bien sûr, car l’histoire se joue autrement.
L’époque où Israël était l’enfant prodigue (de “l’Occident” et de personne d’autre) a pris fin depuis longtemps.
La compassion née du génocide nazi a fait place aux pressions et à la puissance des lobbies, et l’Occident aura du mal à s’en remettre. Israël est déjà du mauvais côté de l’histoire, et la descente vers l’abîme se poursuit.
*Source : The Palestine Chronicle – Jeremy Salt
Traduit par Spirit of Free Speech