Appel : Aider les Libanais en gelant les avoirs suspects réfugiés à l’étranger

Appel : Aider les Libanais en gelant les avoirs suspects réfugiés à l’étranger
Le président français Emmanuel Macron, à Beyrouth, le 6 août 2020, deux jours après l'explosion au port de la capitale libanaise. AFP / POOL / Thibault Camus

Monsieur le Président,

Le Liban approche à grands pas d’un effondrement total économico-politique et les Libanais s’enfoncent chaque jour un peu plus dans la paupérisation et le désespoir sous le poids d’un ensemble de crises économiques et financières, aggravées par la double explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 et la pandémie du Covid-19. Depuis près d’un an et demi la monnaie nationale s’est dépréciée de plus de 90%, le chômage et l’inflation ont explosé tandis que plus de la moitié de la population vit déjà sous le seuil de pauvreté. Pire encore, c’est au compte-goutte et au prix de longues attentes et d’humiliations que les épargnants peuvent retirer, en livres dévaluées, une fraction de ce qui reste de leurs dépôts dans les banques libanaises. Parmi ces épargnants figure la diaspora libanaise en Afrique et ailleurs, dont les virements de 5-7 milliards de dollars par an à leur pays d’origine se sont par conséquent complètement asséchés.

Pour vous être intéresssé de très près et avec tant de détermination aux souffrances des Libanais, vous êtes bien placé, Monsieur le Président, pour mesurer non seulement l’ampleur de la détresse qui les accable, mais aussi le défi gigantesque que représente pour eux la nécessité absolue de se débarrasser d’une classe politique gangrenée par la corruption et on ne peut plus réticentes aux réformes que le simple bon sens impose et que vous n’avez pas hésité à dénoncer depuis votre première visite à Beyrouth au lendemain du désastre du port. Une corruption endémique et à grande échelle qui a scandaleusement enrichi les dirigeants politiques, en vidant les caisses de l’Etat et en détournant même à leur profit la majeure partie de l’aide financière étrangère accordée au Liban après la guerre civile 1975-1990. Estimée à 170 milliards de dollars au cours de la période 1993-2012, y compris celle accordée dans le cadre des conférences 1, 2 et 3 de Paris, cette aide correspond en termes de pouvoir d’achat à la totalité des prêts de 16,5 milliards de dollars consentis par les États- Unis dans le cadre du Plan Marshall à quinze pays européens, dont le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne occidentale, l’Italie et les Pays-Bas, pour se relever des décombres de la 2ème Guerre Mondiale. Si l’on compare les résultats du Plan Marshall en Europe à ceux de l’aide acordée au Liban après sa guerre civile, on ne peut s’étonner que la France et d’autres pays refusent désormais de donner à la classe dirigeante libanaise des chèques en blanc et posent comme condition préalable qu’elle mette en œuvre les réformes requises et qu’elle commence par “s’aider elle-même” pour que d’autres puissent l’aider.

Mais votre amère expérience avec ceux qui se partagent depuis trois décennies l’exploitation de ce petit pays vous a permis de constater les invraisemblables mensonges et ruses dont ils sont capables pour faire fi de leurs promesses et ne rien lâcher de leurs privilèges. Tout comme vous avez tâté du doigt et publiquement dénoncé du reste le refus obstiné de tout audit juricomptable des comptes de

l’Etat, ainsi que les “ingénieries financières” ou, comme vous l’avez souligné en septembre dernier, les fameuses pyramides de Ponzi auxquelles le gouverneur de la Banque du Liban (BdL) s’est livré pour maquiller les déficits énormes de la même banque, tout en gonflant les bénéfices de certaines banques commerciales qui comptent parmi leurs principaux actionnaires des hommes politiques. A savoir que la fabuleuse arnaque mise au point en 1918 par Charles Ponzi, et reprise en 2008 par son illustre disciple Bernard Madoff, a permis de flouer un nombre limité de riches mais naïfs investisseurs. Les prouesses de ce dernier ont été jugées si graves qu’il a été condamné à une peine de prison de 150 (cent cinquante) ans. Les montages Ponzi à la libanaise ont par contre été pratiqués par personne d’autre que le gouverneur de la BdL et à l’échelle de tout un pays ! …

Le moins qu’on puisse dire est que les responsables libanais ne sont nullement pressés de faire ne serait-ce qu’un pas sur la voie de la transparence et des réformes indispensables pour mettre fin à la situation désastreuse actuelle, à commencer par un accord avec le FMI. Par contre, Monsieur le Président, ceux qui sont plus que pressés de voir le bout du tunnel et de pouvoir au moins nourrir et éduquer leurs enfants, sont les millions de Libanais frappés de plein fouet par le chômage, une inflation galopante et l’évaporation de leurs dépôts bancaires, souvent le fruit d’une vie de labeur.

En attendant le jour hypothétique où les réformes nécessaires pourraient être entreprises, leurs yeux se tournent vers les milliards de dollars d’origine suspecte que ceux qui ont le bras long, dont notamment des hommes politiques, des hauts fonctionnaires, des dirigeants de la Banque centrale ou certains actionnaires ou membres des conseils d’administration des banques commerciales ont pu détourner et “mettre à l’abri” à l’étranger et dans des paradis fiscaux.

La démarche pour y arriver pourrait être similaire à celle qui a été suivie pour les affaires dites des “biens mal acquis”, engagées dans plusieurs pays européens contre les chefs d’Etat de la Guinée Équatoriale, du Gabon et du Congo Brazzaville, ainsi que contre l’ancien vice-président syrien Rifaat El-Assad. Accusés de s’être indûment enrichis aux dépens de la population de leurs pays respectifs, ces coupables ont déjà été largement sanctionnés, en première instance, par des peines de prison et/ou de confiscation de leurs biens dans plusieurs pays européens.

Non moins important est le fait que la France est sur le point de rejoindre les pays qui, comme les Etats-Unis et la Suisse, disposent d’une législation portant sur la restitution à leurs pays d’origine des des actifs détournés. Il s’agit là de l’une des dispositions du projet de loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale votée le 2 mars 2021 par l’Assemblée nationale et qui doit encore être approuvée par le Sénat.

Pour ce qui est du Liban, les montants détournés se chiffrent en dizaines de milliards de dollars et sont autrement plus importants que ceux des affaires connues des “biens mal acquis”. Leur détermination, leur localisation et l’identification des protagonistes sont relativement aisées à établir dans des pays démocratiques comme la France. Ceci est possible aussi bien pour les actifs monétaires, à travers les Fichiers des Comptes Bancaires (FICOBAS) que pour les biens immobiliers dont l’acquisition a été enregistrée dans les services officiels compétents.

D’ores et déjà, des investigations entreprises par des ONG ont levé le voile sur une partie des malversations qui ont permis à certains hauts responsables de puiser impunément dans les caisses de l’Etat. C’est le cas, entre autres, du rapport d’investigation publié en août dernier par l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project) et Daraj sur des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars réalisés au Royaume-Uni, en Allemagne et en Belgique.

Ces premières investigations peuvent être complétées par des cabinets spécialisés d’intelligence économique, à commencer par la firme internationale Kroll, dont la candidature a été écartée par les

responsables politiques libanais sous prétexte qu’elle a un bureau en Israël ! Les mêmes responsables ont même refusé de communiquer à Alvarez & Marsal les données indispensables pour entamer l’audit requis et débloquer l’impasse d’un accord avec le FMI.

Plus largement, les Libanais ont d’excellentes raisons d’espérer qu’ils peuvent compter sur la coopération de nombreux pays pour contourner les obstacles dressés par leurs propres dirigeants et récupérer leurs avoirs subtilisés, comme l’indique la demande d’entraide judiciaire adressée en janvier 2021 au gouvernement libanais par le Ministère public de la Confédération helvétique (MPC). Selon ce dernier, sa demande s’inscrit dans le cadre d’une « instruction pénale menée par le MPC pour blanchiment d’argent aggravé, en lien avec de possibles détournements de fonds au préjudice de la Banque du Liban ».

Une autre raison majeure d’espérer est que la demande suisse d’entraide judiciaire s’inscrit dans le cadre de la Convention de l’ONU contre la corruption (UN Convention Against Corruption – UNCAC) signée aussi bien par le Liban que par la Suisse. Son grand mérite est qu’elle comporte des dispositions détaillées non seulement sur la prévention de la corruption et des crimes économiques, mais aussi sur les obligations des pays membres en matière de coopération et de communication des informationssur le blanchiment d’argent transfrontalier.

Un nouveau et inestimable service que vous pourriez rendre aux Libanais (et à la justice) serait, Monsieur le président, de donner vos instructions en vue de mettre en œuvre le dispositif juridique propre au gel des actifs d’origine douteuse détenus en France par des responsables politiques et économiques libanais, en attendant les vérifications nécessaires avec les individus concernés et, le cas échéant, leur restitution aux personnes spoliées. Qui plus est, la France donnerait en ce faisant un excellent exemple aux pays européens et autres qui ne sont nullement disposés à jouer le rôle de receleur et de complice au service de la mafia politico-économique responsable de la misère, de la faim et de l’insécurité dont souffrent de plus en plus de Libanais.

Nicolas Sarkis (économiste) nsarkis8@gmail.com
Elian Sarkis (médecin, président de MCLM, Mouvement des Citoyens Libanais du Monde)

mclm.icpolib@gmail.com
Karim Emile Bitar (professeur d’université) karimbitar@gmail.com

Cosignataires : Des avocats, des juristes, des médecins, des ingénieurs, des journalistes, des généraux, des économistes, des hommes d’affaires, beaucoup d’autres suivront) des activistes (signatures reçues avant

17 h , le 26/03/2021

Bassima Al Hani Nakhlé Odaimé
Ola Ezzat Sariedine Firas Abou Hatoum Diana Khadaj Nohad Topalian Fouad Salamé Alam Khaldoun Jamal

–  MCLM groupe
–  Pyramid groupe
–  Help Lebanon
–  128 Groupe
–  Seventeen groupe
–  Issam Khalifé
–  Paula Yacoubian
–  Ghassan Salamé
– Daad Saad Ghada Aid
– Tony Nissi
– Rachid Rahmé
– Susane Serbay
– Gina Chammas
– Marieange Nohra
– Bernard Bridi
–  Tony Khoury
–  Wallid Dahouk
–  Josette Ghafari
–  Pierre Accari
–  Joseph Rahmé
–  Siham Trad
–  Ali Abbasso
–  Lucien Aoun
–  Grayss Kamel
–  Jihad Debian
–  Mariane Issa ElKhoury
–  Ahmad Yacine
–  Chafic Daoud
–  Farah Hanna
–  Walid Mouheb
–  Antoine Sarkis
–  Sami Rashouny
–  Zakhia Saliba
–  Nagi Azzi
–  Radi Cheaito
–  Ghazi Zind
–  Abed Nakouzi
–  Ali Ezzedine
–  Chadi Oussman
–  Navia Fahed
–  Haitham Durbie
–  Paul Delyferian

– Fifi Khallab
– Georges Nader
– Sami Rammah
– Hassan AIi Hassan
– Georges Al Saghir
– Khalil Jbaily
– Nabil Yazbek
– Jamal Badaoui
– Benoit Chatel
– Georges Moussalli
– Elie Georges
– Christina Sarkis
– Alexandre Rassy
– Leon Sioufi
– Elsa el Hachem
– Hassan Ezzezdine
– Gladis Edmon saab
– Mohammed Ali
– Amal Abou Farhat
– Roberto Tannoury
– Pierre El-Sokhn
– Fadi Fakherdin
– Lima Salloum
– Hassan El Chemali
– Dima Jamal
– Ali Amine
– Chadi Afyoumi
– Maha Dib
– Georges Khayat
– Hend Alsoufi
– Anwar el Hassan
– Slaiman Hassan
– Ayoub Sleem
– Chebli Massri
– Abebelnacer Massri
– Samir Kassab
– Tarek Wehbi
– Elham Chaarani
– Ghaida Baroudy
– Danielle Zakher
– Raafat Baba
– Rana Kanso
– Rouba Sayegh
– Manal Jomaa
– Maha Massri
– Nour Gharib
– Saad Abou Ali
– Maha ahmad Haidar
– Walid Al Abed
– Houssam Kaid
– Bassel Assad
– Mohamed Karhani
– Daniel Hana
– Amal Abou Farhat
– Sallem Maaliki