
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Fayçal ben Farhane, a effectué, jeudi 23 janvier, une visite au Liban où il a rencontré les hauts dirigeants du pays et remis au président Joseph Aoun, récemment élu, une invitation officielle pour visiter l’Arabie saoudite. Un rapprochement stratégique et symbolique après quinze ans de tensions entre les deux pays.
La visite du chef de la diplomatie saoudienne à Beyrouth est le premier déplacement effectué par un responsable de ce niveau depuis 2010. Elle officialise le retour du royaume au pays du cèdre. Les relations entre le Liban et l’Arabie saoudite ont commencé à se refroidir en raison de l’influence grandissante de l’Iran ces 20 dernières années et le soutien apporté par le Hezbollah aux rebelles yéménites, à l’opposition à Bahreïn et aux milices irakiennes.
Les rapports entre les deux pays se sont sérieusement détériorés après la séquestration dans le royaume, en novembre 2017, du Premier ministre libanais en exercice à l’époque, Saad Hariri. Cette affaire avait provoqué un tollé sur la scène internationale et une grave crise entre Beyrouth et Riyad.
Après cet incident, le royaume saoudien s’est complètement désengagé de la scène libanaise sur les plans politique et économique, abandonnant à son sort la communauté sunnite qu’il soutenait et sponsorisait depuis des décennies. Avant le come-back officiel, le rôle de l’Arabie saoudite s’était manifesté lors de l’élection présidentielle, le 9 janvier, et la désignation d’un nouveau Premier ministre, quatre jours plus tard. Effectivement, Riyad a joué un rôle direct pour faciliter l’élection de Joseph Aoun à la présidence.
Le 8 janvier, à la veille de la séance électorale au Parlement, le royaume a dépêché à Beyrouth un émissaire, le prince Yazid Ben Farhane, qui a convaincu les députés sunnites et le bloc du parti chrétien des Forces libanaises d’appuyer la candidature du chef de l’armée au poste de président de la République. Son rôle a été décisif pour débloquer cette élection. L’Arabie saoudite a aussi joué un rôle de premier plan dans la désignation de Nawaf Salam au poste de Premier ministre, le 13 janvier.
Cette normalisation va permettre, à terme, de consolider les relations économiques et débloquer l’aide financière saoudienne au Liban. Les deux pays vont prochainement signer 22 accords de coopération dans différents domaines. Le retour du royaume au Liban après un repli de 15 ans est principalement dû à l’arrivée au pouvoir en Syrie de groupes islamistes proches de la Turquie.
Ces mouvements sont liés d’une manière ou d’une autre aux Frères musulmans, qui sont considérés par les Saoudiens comme un facteur potentiel de déstabilisation du royaume, voire une menace pour le règne de la dynastie des Saoud. En prenant le pouvoir en Syrie, la nébuleuse islamiste qui tourne dans l’orbite de la Turquie se rapproche géographiquement de la Jordanie, dernier rempart avant l’Arabie saoudite. Le retour des Saoudiens au Liban est donc en quelque sorte une mesure préventive. Il vise à contrer l’influence turque, plus particulièrement chez les sunnites libanais.
Le come-back de Riyad a été facilité par le recul significatif, ces trois derniers mois, de l’influence de l’Iran, après les revers essuyés par le Hezbollah dans sa guerre avec Israël et la chute du régime de Bachar el-Assad.(Paul Khalifeh)