Entretien avec Didier Billion : La Turquie, une puissance au centre de multiples dossiers

Entretien avec Didier Billion : La Turquie, une puissance au centre de multiples dossiers

Incident diplomatique à Ankara, soutien à l’Ukraine face à la Russie, baisse des tensions avec Emmanuel Macron : la Turquie s’impose au cœur de l’agenda international. Le point avec Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS. 

Mardi 6 avril 2021, un incident diplomatique a eu lieu lors d’une rencontre officielle entre le président turc Recep Tayyip Erdogan, le président du Conseil européen Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen. Comment cet événement doit-il être interprété ?

Cet incident a généré de nombreux commentaires au cours des derniers jours, et les images du début de cette rencontre sont en effet assez atterrantes. On y voit M. Erdogan, M. Michel et Mme Von der Leyen arriver dans la salle où doit se tenir la réunion, et l’on constate que seulement deux fauteuils sont disposés face à face, ce qui pose question. Plus problématique, on voit M. Michel se précipiter pour s’asseoir et, de ce fait, laisser Mme Von der Leyen se retrouver seule debout, embarrassée et ne sachant que faire. Au-delà de cette scène, ce sont surtout les réactions qu’elle a générées qui doivent être analysées. Dans un premier temps, beaucoup y ont vu une manœuvre de « l’islamiste Erdogan » et une preuve supplémentaire de son sexisme. Mais, dans une deuxième séquence, certaines voix sont rapidement venues expliquer qu’une telle situation correspondait au protocole européen, qui induit une prééminence du dirigeant du Conseil européen sur celui de la Commission européenne. De ce point de vue, les Turcs n’ont pas de responsabilité. Enfin, dans un troisième et dernier temps, les commentateurs de cette affaire ont trouvé dans la multiplicité des centres de décision au sein des institutions européennes et la concurrence entre la Commission et le Conseil européen une explication à cette situation très embarrassante. Cette piteuse affaire est donc finalement surtout problématique pour l’Union européenne : elle montre une fois de plus que la complexité de ses structures rend l’Union impuissante sur nombre de dossiers, voire en l’occurrence ridicule. La responsabilité des faits ne repose pas sur M. Erdogan, mais bien sur les responsables européens. Il est évidemment fort probable que M. Erdogan ait pris un malin plaisir à être témoin de cette scène. Mais c’est bien l’incompétence de l’UE qui est exposée dans cette affaire et ses rivalités internes étalées publiquement. Situation d’autant plus piquante que Mme Von der Leyen ne cesse d’affirmer qu’elle désire une Commission géopolitique, ce qui nécessiterait, a minima, qu’elle se hisse au niveau de ce qu’elle prétend atteindre.

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