Syrie: la levée des sanctions américaines

L’annonce de la levée des sanctions américaines contre la Syrie, mardi 13 mai, a provoqué des manifestations de joie dans le pays. Si cette levée constitue un tournant, plusieurs obstacles demeurent avant que l’économie ne puisse se remettre des années d’isolement et de guerre.

Selon Jihad Yazigi, directeur du site économique en ligne The Syria Report, « les sanctions américaines étaient les plus contraignantes » parmi toutes les sanctions occidentales. Leur levée représente donc « un signal politique très fort : cela signifie simplement que tout le monde peut à nouveau collaborer avec la Syrie, que nous repartons de zéro, ce qui est crucial », explique-t-il à l’AFP. Il ajoute que « l’effet immédiat le plus visible sera la facilitation des transferts d’argent en provenance des pays du golfe ainsi que des aides au développement en général ».

Le ministre syrien des Finances, Mohammad Yassir Barniyeh, a déclaré mardi à l’agence officielle Sana que cette décision « aidera la Syrie à reconstruire ses institutions, à fournir les services essentiels à la population et à ouvrir de grandes perspectives d’investissement tout en restaurant la confiance dans l’avenir du pays ».

Autre effet attendu de la levée des sanctions : la Syrie pourrait accéder à nouveau à des prêts de pays du Golfe ou encore de la Banque mondiale, par exemple. « La Syrie a été réintégrée dans plusieurs institutions internationales et effectivement le gel des sanctions américaines permettra d’obtenir plus facilement des prêts. Mais il y a un certain nombre de défis structurels auxquels les dirigeants syriens devront faire face », ajoute Joseph Daher, universitaire et spécialiste de l’économie syrienne.

Si la majorité des sanctions américaines ont été imposées après le début du conflit en 2011, ces « lois César » visaient l’ancien président Bachar el-Assad qui a réprimé dans le sang des manifestations anti-gouvernementales, mais aussi plusieurs membres de sa famille ainsi que des responsables politiques et économiques.

Pour les Syriens, dont environ 90% vivent sous le seuil de pauvreté selon l’ONU, l’impact dépendra du calendrier de la levée des sanctions bancaires, « car cela signifierait permettre au système financier américain d’interagir avec le système bancaire syrien », explique Jihad Yazigi et permettre ainsi les transferts d’argent vers, ou depuis la Syrie. Cela « améliorerait l’activité commerciale, renforcerait les investissements, créerait de nombreux emplois et dynamiserait l’environnement économique », ajoute le directeur de The Syria Report. Quant à la livre syrienne, qui a perdu environ 90% de sa valeur depuis le début du conflit, il estime que l’afflux de dollars dans le pays pourrait avoir un effet positif sur sa stabilisation, voire son renforcement.

L’économiste politique Karam Shaar explique auprès de l’AFP que « les procédures de levée des sanctions sont longues et complexes, même en présence d’une volonté politique ». « Il faudra plusieurs mois pour lever ces sanctions, car il s’agit aussi de textes législatifs punitifs. Certaines sanctions relèvent de lois et non simplement de décrets exécutifs », relève-t-il. Concernant la « loi César », il rappelle que « le président peut suspendre les sanctions, mais ne peut pas les abroger sans un vote du Congrès ». Après la levée des sanctions, Jihad Yazigi affirme qu’« on peut commencer à réfléchir et à planifier une reconstruction à plus grande échelle » mais que « la levée des sanctions seule ne suffit pas ».

L’ONU estime à plus de 400 milliards de dollars le coût de la reconstruction après quatorze années de guerre qui ont fait plus de 500 000 morts et plus de dix millions de déplacés. Selon Jihad Yazigi, il faudra aussi « mobiliser les fonds nécessaires pour soutenir ce processus », en particulier en provenance des pays du golfe et de l’Europe. À ce jour, seuls 1,87 million de déplacés syriens sont retournés dans leurs régions d’origine, selon l’ONU, qui indique que « le manque d’opportunités économiques et de services de base constitue le principal obstacle au retour des Syriens ». Des pays arabes et occidentaux se sont engagés à contribuer à la reconstruction lors d’une conférence organisée à Paris en février dernier.

Les pays européens assouplissent également certaines sanctions

Les pays européens ont commencé par assouplir certaines sanctions, mais ils ont conditionné toute avancée supplémentaire à une évaluation des accomplissements du nouveau pouvoir syrien dans des domaines tels que la lutte contre « le terrorisme », le respect des droits humains et la protection des minorités. Emmanuel Macron a plaidé mercredi dernier pour une « levée progressive des sanctions économiques européennes » visant la Syrie, à condition que le gouvernement de transition stabilise la situation dans le pays, a-t-il dit après s’être entretenu à Paris avec le président syrien par intérim Ahmed al-Charaa.

Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne, réunis lundi à Londres, ont décidé de suspendre une partie des sanctions imposées à la Syrie, dans le but de soutenir la reprise économique et la reconstruction du pays. Cinq institutions bancaires syriennes ont été retirées de la liste des entités soumises au gel des fonds et des ressources économiques et d’autoriser la mise à disposition de fonds et de ressources économiques à la Banque centrale de Syrie.

L’Union européenne a également levé temporairement certaines restrictions sectorielles dans les domaines du pétrole, du gaz, de l’électricité et des transports. Des dérogations ont été introduites pour permettre des échanges bancaires entre les institutions financières syriennes et européennes, afin de faciliter les opérations liées à l’aide humanitaire, à la reconstruction et aux secteurs de l’énergie et des transports.