MEE : Une journée à Beyrouth, « ville fantôme », reportage par Kareem Chehayeb et Rita Kabalan

Fatima fume une cigarette sur son balcon à Hay el-Sellom pendant que son fils Ali dort dans l’appartement, le 6 juillet (MEERita Kabalan)

Se nourrir, mettre de l’essence dans sa voiture, se déplacer : pour les Libanais, le quotidien devient de plus en plus compliqué à mesure que le pays s’enfonce dans la crise économique

À Hay el-Sellom, au sud de Beyrouth, Fatima* tire une bouffée de sa cigarette en regardant par la fenêtre du deux pièces qu’elle partage avec son mari, sa fille et ses trois fils.

Âgée de 59 ans, elle explique qu’elle et sa famille ont toujours vécu modestement, mais que l’année écoulée les a obligés à faire des sacrifices qu’ils n’avaient jamais imaginés.

Aujourd’hui, l’électricité publique ne fonctionne plus qu’une heure par jour, dit-elle. Heureusement, ils ont souvent réussi à garder les lumières allumées parce que le fournisseur de leur groupe électrogène leur a permis de payer en plusieurs fois. 

Le mari de Fatima, 63 ans, travaille dans un entrepôt, où il gagnait autrefois environ 667 dollars. La livre libanaise ayant perdu approximativement 90 % de sa valeur dans le sillage d’une crise financière sans précédent, son salaire ne vaut désormais qu’un peu plus de 50 dollars. Dans le même temps, elle fait des petits boulots pour aider à couvrir certaines dépenses. 

« J’ai travaillé un jour et j’ai acheté un tapis », raconte-t-elle à Middle East Eye. « Il coûtait 140 000 livres [environ 78 euros] et je l’ai payé en plusieurs fois. » 

Alors que le Liban connaît une des plus fortes inflations au monde, Fatima et sa famille n’ont plus les moyens de manger de la viande comme autrefois. Ils se nourrissent désormais essentiellement de pommes de terre et de lentilles. Parfois, Fatima et son mari se privent de nourriture pour que leurs enfants puissent en avoir plus.

Plus des trois quarts de la population libanaise manquent de nourriture à la maison, a indiqué l’UNICEF dans un récent rapport. 

Le fils cadet de Fatima, Hussein, 17 ans, travaille pendant dix heures dans une boutique de jus de fruits et de glaces pour essayer de grappiller un peu d’argent. « Il ne mange qu’un seul repas par jour et il a perdu du poids, il fait 60 kg pour 1,80 m », explique Fatima.  LIRE LA SUITE