France 24 : Le Tadjikistan peut-il servir de base arrière à la lutte contre les Taliban ? par Tom Wheeldon

Les forces du mouvement de résistance afghan et du soulèvement antitaliban montent la garde au sommet d'une colline dans la zone d'Astana de Bazarak, dans la province du Panchir, le 27 août 2021. © Ahmad Sahel Arman, AFP

De nombreux chefs de l’opposition afghane ont fui au Tadjikistan voisin et espèrent utiliser ce refuge comme base pour combattre les Taliban. Un pari compliqué au vu du rapport de force favorable au groupe islamiste, estiment les experts.  

France24 : Lebanese central bank governor on country's financial crisis: 'My conscience is clear'La résistance anti-Taliban s’organise au Tadjikistan. Selon les informations du Financial Times, plusieurs figures de l’opposition afghane se trouvent actuellement à Douchanbé, la capitale de ce pays d’Asie centrale, au nord de l’Afghanistan, où le gouvernement tadjik leur offre l’asile. Parmi eux, Ahmad Massoud, célèbre chef du Front national de résistance (FNR) dans la vallée du Panchir, Amrullah Saleh, ancien vice-président et président intérimaire autoproclamé de l’Afghanistan, ainsi qu’Abdul Latif Pedram, le chef du Parti du Congrès national (PCN) afghan. La présence de ces militants sur le sol tadjik est jugée crédible par plusieurs experts contactés par France 24, le Tadjikistan étant un ennemi historique du groupe islamiste.

Alors que d’autres pays de la région, notamment l’Ouzbékistan voisin, la Russie et la Chine ont tenu à établir de bonnes relations diplomatiques avec les Taliban, le Tadjikistan a maintenu une ligne dure face aux nouveaux dirigeants afghans. Le mois dernier, le président tadjik Emomali Rahmon a attribué la plus haute distinction du Tadjikistan au père d’Ahmad Massoud, Ahmad Shah Massoud, dit le « lion du Panchir » : un geste symbolique fort à l’égard de cette figure de la résistance contre les Taliban, assassiné le 9 septembre 2001. Après la chute de Kaboul, le 15 août, et alors que États-Unis opéraient un retrait précipité du pays, Emomali Rahmon s’est inquiété de voir l’Afghanistan redevenir une base arrière du terrorisme : « Si nous laissons les évènements évoluer sans y prêter attention, la situation de 2001 risque de se répéter », a-t-il déclaré.

Une position anti-Taliban « populaire » au Tadjikistan

Au pouvoir depuis 1992, Emomali Rahmon est le seul dirigeant de la région dont le mandat remonte à l’époque où les Taliban régnaient sur l’Afghanistan, de 1996 à 2001. Le Tadjikistan a soutenu la résistance de l’Alliance du Nord qui s’opposait aux Taliban pendant cette période, tandis que des centaines de milliers de Tadjiks d’Afghanistan ont fui le pays pour échapper à la domination des militants islamistes. « Le Tadjikistan a des liens avec l’opposition afghane depuis cette époque. Le précédent historique est là », souligne Weeda Mehran, professeur de politique et spécialiste de l’Afghanistan à l’université d’Exeter, au Royaume-Uni.

Pour le président tadjik, la lutte anti-Taliban présente également un enjeu de sécurité nationale car des militants islamistes tadjiks ont fui vers l’Afghanistan, explique Jennifer Brick Murtazashvili, experte de la région et professeure adjointe à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’université de Pittsburgh. Il existe une « crainte réelle que les Taliban accueillent ces militants et qu’ils déstabilisent le Tadjikistan ». LIRE LA SUITE