
Restaurer le système bancaire au Liban consiste à redonner confiance à des déposants potentiels afin qu’ils placent durablement leurs avoirs dans les banques libanaises pour qu’elles puissent exercer à nouveau leur rôle de moteur de l’activité économique du pays.
Mais quels seraient les futurs déposants sur lesquels le Liban pourrait compter ?
Manifestement et probablement les Libanais de la diaspora libanaise d’Afrique et du Golfe qui déposaient par le passé annuellement plus de six milliards de dollars US dans les banques libanaises et ceci de manière récurrente et depuis plusieurs décades. C’est cette manne financière conséquente et permanente que le système politico-financier du pays a dilapidée et spoliée avec comme facilitateur l’ancien gouverneur de la Banque Centrale actuellement en garde à vue et qui fait l’objet de poursuites internationales pour enrichissement illicite et blanchiment.
ET c’est pour cela que les Libanais de l’étranger refusent actuellement de confier aux banques libanaises le moindre nouveau dépôt tant que leurs avoirs « confisqués » n’auront pas été libérés et tant que la gouvernance de tout le système financier et bancaire du pays n’aura pas été expurgée et débarrassée de tous les acteurs qui ont organisé la spoliation de leurs avoirs et provoqué ainsi l’écroulement de ce système et du pays.
Des représentants de la diaspora d’Afrique avaient adressé en 2020 une missive aux plus hautes autorités libanaises les informant que cette diaspora serait malgré tout disposée à soutenir le système bancaire libanais et à l’alimenter à nouveau comme par le passé si ce système était radicalement assaini et si la restitution progressive de leurs avoirs était garantie et planifiée sur une période de durée acceptable.
Le rétablissement de cette manne financière permettrait à elle seule, du fait de son envergure et de sa récurrence, la restructuration du système bancaire et la relance de l’activité bancaire et économique du pays. La confiance qui serait générée par ce rétablissement est bien plus solide et plus attractive qu’une confiance accessoire et artificielle que pourrait apporter comparativement un accord modeste de financement élargi (AFE) avec le FMI de quelques trois milliards de dollars sur 46 mois, en principe.
Cette restitution des dépôts exigée par la diaspora est donc la condition sine qua non de la restauration de la confiance. Bien que cette restitution relève légalement de la responsabilité des banques commerciales, celle-ci doit être, vu le contexte et l’ampleur de la machination, partagée entre les trois entités suivantes responsables de la dilapidation des avoirs des déposants. A savoir, les banques commerciales, la Banque Centrale et l’Etat libanais. L’équation est simple ; le Liban ne pourra jamais se relever de ce « casse du siècle » et fonctionner normalement tant que la confiance n’est pas rétablie par un sentiment de satisfaction intégrale des déposants lésés. Aucun redressement ou restructuration ne peuvent être réalisés si l’impunité et la spoliation étaient la règle du pays et de ses dirigeants.
Le rétablissement de la confiance et tout effort qui serait éventuellement demandé aux déposants supposent parallèlement que des mesures strictes soient prises par les autorités et les instances judiciaires libanaises afin que tous les profiteurs, personnes physiques et morales, de la spoliation des avoirs rendent des comptes et soient contraints de restituer toutes les sommes indûment et illicitement détournées ou obtenues car tout ce qui avait été bâti et permis par une association de malfaiteurs est entaché de malversation et doit être révoqué et abrogé. A ce titre, il faudra impérativement que soient mises en œuvre les premières mesures coercitives suivantes :
1 – Que les « investisseurs privilégiés », personnes morales ou physiques, qui avaient acquis des gains de plusieurs millions, voire des centaines de millions de dollars du fait des ingénieries financières scandaleuses fabriquées par la Banque Centrale restituent ces gains totalement illicites. La Banque Centrale connaît les objectifs et la vraie nature de ces opérations maquillées en ingénieries financières ainsi que les tenants et aboutissants.
2 – Que les banques qui ont obtenu de la Banque Centrale des prêts exorbitants libellés en livres libanaises, qui ont immédiatement converti ces montants en dollars US sur le marché parallèle, provoquant de ce fait une dévaluation drastique de la L.L. , qui ont transféré à l’étranger les devises obtenues par cette opération de change et qui ont ensuite remboursé ces prêts en L.L. dévaluée, soient contraintes de restituer les gains en devises procurés par cette escroquerie financière. La Banque Centrale et la justice libanaise connaissent ces banques ainsi que les montants des gains réalisés.
3 – Que les déposants qui avaient contracté des prêts bancaires en dollars US et à qui la Banque Centrale avait autorisé la restitution de ces prêts par anticipation en L.L. au taux de change « ridicule » de 1$=1.500 L.L. soient contraints soit de restructurer ces prêts en dollars selon l’échéancier initial soit de restituer les gains en devises procurés par cette opération scandaleuse. A défaut, la Banque Centrale aura ainsi couvert le dépouillement caractérisé par une partie des déposants débiteurs à l’encontre des autres déposants créditeurs dont les avoirs étaient restés « confisqués ».
4 – Que les personnes qui avaient acquis des biens immobiliers en fonction des prêts bonifiés structurés par la Banque Centrale, prêts qui pouvaient atteindre 800.000 dollars ou plus par bien et à qui la Banque Centrale avait permis un remboursement par anticipation en L.L. de ces prêts au taux de change « ridicule » de 1$=1.500 L.L. soient contraintes de restaurer ces prêts en dollars selon l’échéancier initial. Cette autorisation avait permis à certains investisseurs d’acquérir des biens luxueux au dixième de leur prix.
5 – Que les banques commerciales ou les « déposants privilégiés » à qui la Banque Centrale avait permis après le 17 octobre 2019 de transférer à l’étranger leurs avoirs en devises alors que les avoirs des autres déposants étaient confisqués soient contraints de « ristourner » ces avoirs à leurs comptes initiaux.
6 – Que la Banque Centrale fournisse rapidement, sans détours et en toute transparence toutes les informations détaillées et tous les documents qui permettent un audit comptable approfondi et pénal des comptes de la Banque Centrale à partir de 1992, des comptes et des opérations de la Banque Centrale et des opérations des sociétés relevant de la Banque Centrale. A savoir, la MEA, le Casino du Liban et l’Intra Investment, des comptes et des opérations des sociétés véhicules de l’enrichissement illicite et du blanchiment : Forry, Optimum.
Et que soient initiés, en complément par la suite les enquêtes et les audits permettant d’identifier à partir de 1992 toute malversation et toute dépense suspecte, gonflée et illicite réalisées par les différents ministères et organismes étatiques, en particulier le CDR et les différentes Caisses Publiques dans le cadre des projets réalisés.
Les citoyens libanais attendent impatiemment et avec la vigilance qui s’impose que leur Président honore les engagements et promesses contenus dans son discours d’investiture et en particulier ceux relatifs à la lutte contre la corruption et pour la nomination aux postes-clés du corps judiciaire des juges et des procureurs connus pour leur droiture, leur intégrité et leur indépendance. Des juges qui répondent sans obstruction ni blocage aux demandes d’entraide judiciaire formulées par les autorités judiciaires étrangères qui enquêtent sur les soupçons d’enrichissement illicite et de blanchiment relevant de personnes libanaises politiquement exposées (PPE).
Peter Nash