L’Orient le Jour : L’ombre de Kadhafi par Anthony Samrani

Le 14 novembre 2021, dans la ville de Sebha, capitale du Fezzan (région sud de la Libye), Saïf el-Islam, le fils de l’ancien dictateur libyen Mouammar Kadhafi, présente officiellement sa candidature auprès de la haute commission électorale, en vue du scrutin présidentiel prévu pour décembre. Photo AFP

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L’Orient dans tous ses États

Chère lectrice, cher lecteur, Il y a un peu plus de dix ans, le 20 octobre 2011, Mouammar Kadhafi était tué par des rebelles du Conseil national de transition (CNT) dans des circonstances troubles. Le pays tournait alors la page de quatre décennies d’un règne tyrannique et à bien des égards chaotique. Mais l’ombre de celui qui « promettait de se battre jusqu’à la dernière goutte de sang » quelques mois avant son exécution plane encore au-dessus de la Libye. D’un côté, on ne se débarrasse pas d’un personnage aussi omniprésent dans les vies publiques et privées du jour au lendemain. De l’autre, comme dans la majorité des pays arabes touchés par la vague révolutionnaire au cours de ces dix dernières années, une petite musique nostalgique d’une époque mythifiée où les anciens régimes étaient gage de stabilité fait son retour. Les divisions internes, entre le gouvernement de Tripoli reconnu par la communauté internationale et le parlement élu de Tobrouk, mais aussi les interférences étrangères, en particulier turques et russes, sont passées par là.Certes, un gouvernement d’union nationale a été formé en janvier dernier. Certes, le cessez le feu entre les belligérants tient, bon an mal an, depuis un an. Mais cet équilibre est extrêmement fragile, menacé par les calculs politiciens des différents candidats à la présidence, par les velléités de puissance de l’homme fort de l’Est, le maréchal Khalifa Haftar, et par la relation faussement amicale qu’entretiennent la Turquie, qui soutient le gouvernement de Tripoli, et la Russie, qui appuie les forces présentes dans la Cyrénaïque. Moscou et Ankara évitent l’affrontement direct et profitent tous les deux d’une situation où les Occidentaux ont une marge de manœuvre limitée. Mais les deux puissances n’en sont pas moins rivales pour autant et cherchent à maximiser leurs positions sur le terrain. C’est dans ce contexte, où l’élection prévue pour le 24 décembre prochain risque fortement d’être annulée, que Saïf el-Islam Kadhafi, le fils de l’ancien dictateur, s’est invité dans la course à la présidentielle. Celui qui a cultivé un temps l’image d’un réformateur, s’attirant les foudres de certains caciques de l’ancien régime, a changé de fusil d’épaule depuis la révolution. Dix ans plus tard, c’est au nom du père qu’il veut reconquérir la Libye. Dans une mise en scène évoquant fortement la figure de l’ancien guide de la révolution, le fils Kadhafi, sous le coup d’un mandat international pour « crimes contre l’humanité », a annoncé dimanche sa candidature à l’élection présidentielle. Décrédibilisant un peu plus un scrutin poussé par les Occidentaux. Et rappelant que si le régime Kadhafi est mort, il n’est pas encore enterré. Anthony Samrani.