L’Agence Française Afalula a pour mission d’accompagner son partenaire saoudien, la Commission Royale pour AlUla (RCU), dans la transformation de la région d’AlUla en une destination culturelle et touristique mondiale.

Parmi les projets-phares de la « Vision 2030 », Al-Ula occupe une place singulière. Située à 400 kilomètres au nord-ouest de Médine, cette oasis au cœur du désert, berceau des anciens royaumes arabes, fut un carrefour du commerce caravanier. Riyad entend redonner vie à ses sites préislamiques, longtemps ignorés par les autorités religieuses.
La France joue un rôle central dans cette transformation, à travers l’Agence française pour le développement d’Al-Ula (Afalula), présidée par M. Jean-Yves Le Drian depuis 2023. Créée après un accord entre M. Emmanuel Macron et M. Mohammed Ben Salman (« MBS »), en 2018, elle collabore étroitement avec la Commission royale pour Al-Ula, dirigée par le prince Badr Bin Abdullah Al-Saud, ministre de la culture. Ce partenariat a permis à des groupes français comme Alstom, Accor ou Bouygues de décrocher des contrats importants. En janvier 2024, M. Abeer Al-Akel a pris la tête de la commission après l’arrestation pour corruption de l’ex-PDG, M. Amr Al-Madani, accusé d’avoir favorisé une entreprise dans laquelle il détenait des parts.
L’Afalula pilote des projets d’infrastructure, culturels et touristiques à Al-Ula, avec un budget de 60 millions d’euros sur trois ans, intégralement financé par Riyad. « Al-Ula, c’est l’anti-Neom », affirme M. Étienne Tricaud, directeur du pôle Architecture et Développement à l’Afalula. « Nous sommes conscients de ce qui s’est passé à Neom et de la manière dont ces projets sont parfois réalisés au détriment des populations locales, allant jusqu’à la répression. Contrairement aux mégaprojets dystopiques réservés aux plus fortunés, notre approche se veut respectueuse des habitants d’Al-Ula, avec un modèle économique, social et environnemental durable. » Le projet mise sur des matériaux locaux (terre, pierre, bois), la relance de l’agriculture, et un tramway partiellement tracé sur l’ancienne ligne Damas-Médine. « Il y a une volonté de se différencier, mais on ignore comment cette inclusion sociale sera mise en œuvre », note Alain Musset, chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Au cœur du partenariat franco-saoudien se trouve la cité de Hegra, fondée au Ier siècle avant notre ère. À son apogée, le royaume nabatéen s’étendait de Bosra, en Jordanie, jusqu’à Al-Ula, contrôlant les oasis stratégiques situées sur les routes caravanières. Surnommée la « deuxième Pétra », la nécropole de Madain Saleh, classée au patrimoine mondial de l’Unesco, abrite des tombes monumentales taillées dans la roche. Ce site est en voie de transformation en une destination touristique haut de gamme, avec des projets hôteliers, notamment le Sharaan Resort & International Summit Centre, dessiné par Jean Nouvel. Après le Louvre Abou Dhabi et le Musée national du Qatar, l’architecte poursuit ainsi son implantation dans la région. Le projet a été lancé en juin 2019 à Al-Ula par le prince héritier « MBS », en présence du ministre français de la culture, M. Franck Riester, quatre mois après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Jean Nouvel avait alors défendu son hôtel « troglodyte », conçu, selon lui, dans le respect du site.
Autre projet-phare : celui du Centre Pompidou Al-Ula, officialisé lors de la visite du président Macron en décembre dernier. Son ouverture est prévue entre 2027 et 2028. En échange, Riyad investira 50 millions d’euros dans la rénovation du Centre Pompidou à Paris. Un moyen, pour la France, de financer son patrimoine culturel, à l’heure où le budget de la culture est raboté.
Inspirée de la Villa Médicis à Rome, la Fondation Villa Hegra, première institution culturelle franco-saoudienne, a été officiellement inaugurée le 2 octobre 2025 au cœur de l’oasis, dans un bâtiment signé par les architectes français Lacaton et Vassal. Elle accueillera expositions, concerts, ateliers et résidences d’artistes.
La diplomatie française soutient activement l’implantation de ses entreprises en Arabie saoudite. En mars 2024, Business France a co-organisé à Riyad le Forum Neom, réunissant cent vingt entreprises françaises. En juin, la deuxième édition du forum Vision Golfe à Paris a rassemblé acteurs économiques et diplomates des deux rives. Le ministre de l’économie de l’époque, M. Bruno Le Maire, a défini trois axes prioritaires : diversification économique, investissements et transition climatique. Pourtant, l’achat par l’Arabie saoudite de cent cinq avions Airbus pour un montant de 19 milliards de dollars — visant à transporter 330 millions de passagers d’ici à 2030 — est en contradiction avec les objectifs climatiques affichés. M. Ben Salman considère le secteur aérien comme un pilier central de sa « Vision 2030 ».
Pour Paris, Riyad est un « partenaire fiable », comme l’a rappelé le président Macron lors de sa visite d’État en décembre 2024. Il a promis d’intensifier les coopérations, notamment dans les énergies renouvelables et l’intelligence artificielle. Plusieurs contrats ont suivi : EDF Renouvelables pour des centrales solaires, Veolia et Suez pour la gestion des déchets.
Des entreprises françaises sont bien présentes sur les chantiers saoudiens : Egis et Systra, sociétés d’ingénierie et de conseil, sont engagées dans le projet Neom, notamment sur les systèmes ferroviaires de The Line. Systra travaille aussi sur le tramway d’Al-Ula.
L’Afalula a noué 347 contrats avec 203 entreprises françaises, pour un total de 2,32 milliards d’euros, selon son rapport 2023-2024. La start-up Pasqal devrait livrer un ordinateur quantique à la compagnie pétrolière saoudienne Aramco d’ici la fin de l’année, tandis que le fonds souverain saoudien envisage d’investir dans Mistral AI. La France propose également son expertise pour l’Expo 2030 à Riyad et la Coupe du monde 2034 de football. Elle espère vendre des Rafale, comme M. Macron l’a confirmé à Riyad. Un accord qui paraît incertain après l’annonce du président Donald Trump promettant des chasseurs F-35 à l’Arabie saoudite, qu’il a qualifié d’« allié majeur non membre de l’OTAN » lors de la visite de M. Ben Salman à Washington le 18 novembre. Le prince héritier, accueilli comme un chef d’État, a de son côté promis 1 000 milliards d’investissements aux États-Unis.
Lise Triolet Journaliste .https://www.monde-diplomatique.fr/

Jean-Yves Le Drian
Président de l’Agence française pour le développement d’AlUla
Le projet AlUla fête cette année les 5 ans d’une coopération franco-saoudienne particulièrement fructueuse guidée par une ambition exigeante en matière de développement durable. Un ensemble de jalons décisifs, dans tous les domaines couverts par le projet, ont été posés afin de faire de cette région au patrimoine d’exception l’une des capitales culturelles du Royaume et une destination touristique mondiale de premier plan.
