IRIS : Expulsion de dix ambassadeurs de Turquie : « Erdogan joue un jeu dangereux » Interview de Didier Billion

La patte de velours d' Erdogan n'amadoue pas les Européens
Recep Tayyip Erdogan, le 7 novembre 2019, à Budapest. Photo Bernadett Szabo. Reuters

Quel signal envoie Erdogan avec cette annonce d’expulsion de 10 ambassadeurs ? Est-ce une démonstration de force? 

Oui, incontestablement. Cependant, je pense que le message est avant tout adressé à son électorat. On sait que la situation économique se dégrade de façon préoccupante en Turquie, et qu’une partie de l’électorat d’Erdogan est en train de le quitter. C’est en tout cas ce qu’indique les sondages sur les intentions de vote concernant les échéances électorales présidentielles et législatives de 2023. Une fois de plus, M. Erdogan essaie de jouer la fibre nationaliste pour tenter de resserrer les rangs de sa base électorale.

Dans cette affaire, il a exigé du ministre des Affaires étrangères qu’il déclare les 10 ambassadeurs personna non grata, au détriment et au mépris de toutes les règles diplomatiques. Il a annoncé cela dans un meeting la veille dans une ville du centre de l’Anatolie. Cela montre qu’il essaie par tous les moyens de remobiliser son électorat afin d’aborder de la meilleure des manières les échéances prochaines .

Est-ce que cela témoigne aussi d’un climat tendu entre la Turquie et les pays occidentaux ?

Il est évident que nos relations avec Erdogan ne sont pas au beau fixe. Mais là ce qui est inquiétant, c’est que 10 ambassadeurs, c’est 10 pays concernés. Par ailleurs, parmi eux il y en a 10 qui sont membres de l’OCDE, 7 de l’OTAN, 6 de l’UE et la moitié sont des partenaires économiques essentiels pour la Turquie.  M. Erdogan n’hésite pas à jouer le bras de fer avec des pays importants du point de vue économique, stratégique et politique pour son pays.

Pour autant, je ne pense pas qu’il y ait une rupture des relations diplomatiques. Il faut savoir raison garder. Mais ce sera évidemment une tâche dans les relations entre la Turquie et ces pays. C’est là que M. Erdogan joue très gros. LIRE LA SUITE