Edito du 23 juin 2020 : LA LIBYE : DANGERS ET CONVOITISES par Elias Masboungi

Par Elias Masboungi

LA LIBYE : DANGERS ET CONVOITISES

La Libye inquiète l’est et l’ouest, le nord et sud méditerranéens depuis les soubresauts de l’après-Jamahiriya.

Et il n’y a pas que la France qui s’alarme et s’active pour éviter une confrontation entre les grandes et moyennes puissances sur le triple enjeu du pétrole, du terrorisme et de l’immigration.

Le gouvernement de Fayez Sarrai et l’armée de Khalifa Haftar héritiers de la Libye désarticulée de Kadhafi ont créé deux pôles convoités non seulement par les voisins arabes et islamiques mais aussi par les grands de ce monde.  Le déclencheur de tout cela a été l’arrivée massive de rescapés et survivants de l’Etat Islamique de Syrie et d’Irak aussitôt couverts et protégés par la Turquie d’Erdogan.

Il n’en fallait pas plus pour mobiliser aux côtés de la France, la Russie et les USA, l’Egypte et des pétromonarchies du Golfe pour se prémunir des dangers d’une « syrianisation » (telle que dénommée par le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian) et défendre leurs intérêts territoriaux, économiques ou idéologiques.

Le danger le plus immédiat étant la menace égyptienne d’intervenir à sa frontière ouest pour soutenir son allié Haftar et l’avertissement sévère de la France en direction de la Turquie islamisante confortablement implantée sur le littoral méditerranéen le plus long.

Le Président  égyptien, Abdel-Fattah al-Sissi, vient de menacer la Turquie d’une intervention  militaire directe précisant que la ville de Syrte est un verrou stratégique, menant vers la Cyrénaïque, est une « ligne rouge ».

De son côté, le Président Emmanuel Macron a dénoncé « le jeu dangereux de la Turquie » suite à l’illumination au radar par un navire turc d’une frégate française en mission pour l’OTAN qui voulait contrôler au nom de l’OTAN un cargo violant l’embargo onusien sur les armes. Et le Président français d’ajouter : « Il faut dire aux Turcs qu’il est temps d’arrêter. Vous avez réussi à renverser la situation militaire en Libye. Votre objectif était de revenir à la situation d’avant l’offensive de Haftar. Maintenant, ça suffit.

Fayez Sarraj avec son « GAN  internationalement reconnu » et Khalifa Haftar avec son armée légitimement implantée à l’Est s’affrontent avec une toute récente supériorité du premier grâce à l’arsenal et les brigades islamistes turcs et le second avec les promesses de soutien militaire et politique du Caire, d’Abou-Dhabi, de Ryad soutenus par la France et en sous-main par Etats-Unis.

Autant dire que le rapport de force pourrait encore changer avec un risque de stagnation dicté par les intérêts des parrains.

Sur le champ de bataille, l’agressivité de la Turquie s’intensifie sur terre et sur mer frôlant la catastrophe alors que le soutien russe grandit avec le déploiement « Mig-29 » et «Sukhoï-24 » sur la base de  Djoufra en Cyrénaïque.

Ankara et Moscou reproduisant ici la même relation ambivalente qu’en Syrie, malgré les dimensions géographiques des deux champs.

L’Europe à part la France et l’OTAN restent entretemps sur la touche, sans voix, ni moyens, ni volonté d’agir.

Pour l’alliance atlantique c’est un nouvel aveu d’impuissance et pour le Vieux Continent le spectre d’une gigantesque vague d’immigration afro-asiatique.  

Avec le cauchemardesque projet d’un « Etat Islamique de Libye et du Sud-Sahara ».