L’Orient le Jour – Le Moyen-Orient post-Soleimani : 10 points pour comprendre les enjeux par Anthony Samrani

 

Le Moyen-Orient post-Soleimani : 10 points pour comprendre les enjeux commenté par Anthony SAMRANI 

In english : The post-Soleimani Middle East: 10 points to better understand the challenges

L’Orient-Le Jour fait le point sur les dix questions qui se posent après l’élimination par les États-Unis du général iranien Kassem Soleimani.

Les troupes américaines sur le départ hier, en direction du Moyen-Orient. AFP PHOTO / US Army Photo / US Army / Spc. Hubert Delaney III

L’escalade peut-elle être désormais évitée ? Rétablissement de l’équilibre de la dissuasion ou nouvelle escalade ?

Tout dépend non pas tant de l’acte lui-même mais de la perception qu’en a chacun des acteurs. Pour les États-Unis, l’élimination de Kassem Soleimani est une façon de rétablir l’équilibre de la dissuasion après plusieurs signaux de faiblesse ou au moins d’hésitation de leur part à la suite d’attaques imputées à l’Iran dans le Golfe et auxquelles les États-Unis avaient décidé de ne pas répondre. Il s’agit de contraindre l’Iran à accepter la politique de pression maximale que les sanctions économiques américaines lui font subir et de cesser sa stratégie d’escalade contrôlée. Autrement dit, une façon de lui dire « tu arrêtes de jouer avec le feu, ou tu vas finir par te brûler ». Mais les Iraniens peuvent-ils l’entendre de cette oreille? Du point de vue de Téhéran, Washington vient tout de même d’éliminer le deuxième homme le plus important du régime, l’une des personnalités les plus emblématiques du pouvoir et l’architecte de sa politique régionale. Il est fort probable que le régime iranien perçoive cette action comme un acte de guerre auquel il doit répondre de façon proportionnée pour ne pas perdre la face et ne pas envoyer un signal de faiblesse à tous ses ennemis y compris à l’intérieur de ses frontières. L’élimination de Kassem Soleimani est certes tout ce qu’il y a de plus dissuasive, mais le régime peut-il encaisser cette humiliation sans bouger alors même que sur le long terme son pouvoir, si ce n’est sa survie, est sérieusement menacé par la pression économique américaine ?

L’Iran a-t-il les moyens de répondre de façon proportionnée ?

C’est là que le bât blesse pour Téhéran. Si la République islamique peut jouer l’escalade sur plusieurs théâtres dans la région via les milices qui lui sont obligées, elle peut difficilement « faire mal » aux États-Unis sans prendre le risque d’une confrontation directe avec la première puissance mondiale, qu’elle ne peut pas se payer. Le régime iranien n’est pas suicidaire et cherchera probablement à trouver un équilibre entre une réponse appuyée et ce qui serait susceptible d’être perçu par les États-Unis comme un acte de guerre. Comment faire le bon calcul alors que toutes les convictions qu’ils avaient sur Donald Trump et sur sa volonté d’éviter à tout prix l’option militaire sont parties en fumée après l’opération contre Kassem Soleimani ? Dans une interview accordée hier à la chaîne américaine CNN, le conseiller militaire du guide suprême iranien Hassan Dehghan a affirmé que « la réponse sera militaire et contre des sites militaires ». Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a affirmé hier que l’armée américaine allait en « payer le prix ». Il est possible que Téhéran relance le jeu de poker menteur avec Washington en misant sur le fait que l’opération contre le général iranien était un acte limité et ciblé et que les États-Unis ne sont toujours pas prêts à aller plus loin. Mais ce serait un pari extrêmement risqué. LIRE LA SUITE