Visite de la coordinatrice spéciale des Nations Unies au Liban, Joanna Wroneck

Joanna Wronecka : nous devons œuvrer pour mobiliser la communauté internationale en faveur de la population libanaise.

Kamel Mohanna : il faut refuser le double standard dans la gestion des crises humanitaires et faire preuve de solidarité avec le Liban, qui porte un trop lourd fardeau.

La coordinatrice spéciale des Nations Unies au Liban, Joanna Wronecka a rencontré le Dr Kamel Mohanna, président d’Amel Association International, afin d’étudier les possibilités de renforcer le partenariat entre Amel et les organisations des Nations-Unies. La réunion s’est déroulée au siège de l’association, à Msaytbeh, en présence de Virginie Lefèvre, membre du conseil d’administration, ainsi que de l’assistant de Mme Wronecka, M. Hagop Kouyoumdjian.

Le Dr. Mohanna, également coordinateur général du réseau des ONG libanaises et arabes, a mis en exergue les efforts des organisations pour se déployer sur l’ensemble du territoire libanais en réponse aux crises humanitaires successives. Il a en outre exposé le parcours d’Amel International depuis sa création, insistant sur le fait que cette organisation civile non sectaire œuvre depuis cinq décennies afin de préserver la dignité humaine et de construire un Etat de justice sociale, dont nous rêvons et que nous méritons. A cet effet, ses 1.400 travailleurs sont aujourd’hui engagés sur le terrain, à travers 30 centres de santé et de développement, six cliniques mobiles et une unité de soins dédiée aux enfants des rues. L’association constitue en cela un modèle et une alternative pour le Liban.

Le Dr Mohanna a souligné qu’Amel, à travers ses branches locales et internationales, défend une refondation de l’action humanitaire, qui doit être engagée et militante afin de préserver les droits fondamentaux des populations marginalisées. L’association œuvre également en faveur de la construction d’un monde plus juste et plus humain, dans un contexte où les valeurs humaines connaissent un véritable déclin en Occident. Selon le Dr Mohanna, il est nécessaire de travailler ensemble à l’établissement d’un concept nouveau et pionnier de l’action humanitaire, qui se fonderait sur la solidarité et la dignité humaine, ainsi que sur le refus du double standard, surtout entre le Nord et le Sud, et l’engagement pour les causes justes des peuples, au premier rang desquelles la question de la Palestine, qui constitue l’essence de toute action humanitaire.

Selon Kamel Mohanna, le développement durable fait l’objet de nombreux discours qui sont déconnectés des réalités du terrain. Parallèlement, la communauté internationale se concentre sur les questions de démocratie et de genre, tandis que le fossé entre les pauvres et les riches se creuse chaque jour un peu plus, que les discours racistes se propagent et que la gestion des crises humanitaires dans le monde fait l’objet d’un double standard. Ainsi, l’expérience pionnière d’Amel avec les groupes populaires, et son engagement pour les causes justes des peuples, l’ont amenée à être sollicitée parmi les institutions humanitaires locales pour coordonner la première phase de la campagne de vaccination contre le choléra, qui a commencé il y a deux semaines dans le nord du Liban et la Bekaa, ainsi qu’à être nominée pour le prix Nobel de la Paix pour la septième année consécutive.

Le Dr Mohanna a remercié Mme Wronicka pour son soutien au profit d’un acteur solidaire qui œuvre aux côtés du peuple libanais, alors que la crise multidimensionnelle que traverse le Liban exige de la communauté internationale de transcender les calculs politiques et d’empêcher la désintégration de la société libanaise. La souffrance du peuple, qui porte depuis trop longtemps le fardeau de toutes ces crises, doit être entendue, notamment par la levée des obstacles à la reprise de l’économie libanaise et le renforcement du financement de nombreuses organisations des Nations Unies, telles que l’UNRWA. Aujourd’hui, les besoins des populations déplacées sont croissants et leurs droits les plus élémentaires sont souvent bafoués. Dans l’attente d’une solution politique à la crise en Syrie, il est ainsi nécessaire d’aider le Liban qui aide la Syrie.

Pour sa part, Mme Wronicka a exprimé son admiration pour les réalisations d’Amel International, en particulier en ce qui concerne sa capacité à dépasser les divisions communautaires dont souffre le monde arabe, et son travail dans les zones populaires, aux côtés des laissés-pour-compte, dont l’association se fait le porte-voix. Mme Wronicka s’est engagée à relayer auprès du secrétaire général des Nations-Unies, M. Antonio Guterres, l’appel humanitaire lancé par l’association. Elle a également appelé à œuvrer pour obtenir une mobilisation plus importante en faveur de la population libanaise.

Enfin, prenant acte de la détérioration des conditions de vie des Libanais, dont 82% vivent désormais sous le seuil de pauvreté, Mme Wronicka a appelé à la mise en œuvre rapide de réformes dans le pays, qui seules, permettront aux institutions de fonctionner convenablement. Mme Wronicka a en outre été invitée à visiter prochainement les centres Amel sur le terrain, qui œuvrent au quotidien pour garantir les droits fondamentaux de la population, tels que l’accès à la santé ou à l’éducation.