
Selon Adel Bakawan, chercheur.
Le pays connaît un morcellement identitaire et politique profond, estime le chercheur Adel Bakawan, dans un entretien au « Monde ». Une division alimentée par l’influence exercée par l’Iran voisin.
Adel Bakawan est spécialiste de l’Irak, directeur du European Institute for Studies on the Middle East and North Africa (Eismena), chargé d’enseignement à Sciences Po Lyon-II et chercheur associé au programme Turquie/Moyen-Orient de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
Comment l’Irak a-t-il réagi à la chute, chez sa voisine syrienne, de Bachar Al-Assad ?
La chute de Bachar Al-Assad et l’arrivée d’Ahmed Al-Charaa à la tête de la Syrie [le 8 décembre 2024] ont provoqué un séisme en Irak. Au sein du gouvernement et des élites politiques, c’était la panique générale. La communauté chiite, qui contrôle la majorité absolue du pouvoir, s’est affolée, persuadée que le changement de régime à Damas allait entraîner un changement de régime à Bagdad, au profit de la minorité sunnite. Les frontières du pays ont été fermées, les forces armées déployées dans les rues…
A l’inverse, les sunnites d’Irak ont pensé qu’ils avaient rendez-vous avec l’histoire : le soutien de la Turquie à Ahmed Al-Charaa et la continuité territoriale entre la Syrie et les provinces sunnites irakiennes leur ont fait espérer une reconquête du pouvoir. Quant aux Kurdes [d’Irak], leur leader, Massoud Barzani, n’a pas attendu une semaine pour téléphoner et féliciter le nouveau président syrien. Il a aussi appelé les FDS [Forces démocratiques syriennes, à dominante kurde, contrôlant le nord-est de la Syrie] à négocier avec lui. Pendant quelques semaines, l’Irak a donc retenu son souffle. Puis les dirigeants chiites ont compris que, malgré des similitudes, les deux pays avaient des dynamiques différentes et que le régime de Bagdad n’allait pas s’effondrer comme ça.