Fondateur de Jeune Afrique et de La Revue, observateur et éditorialiste engagé, BBY a été un témoin privilégié de tous les soubresauts de l’Afrique et du Moyen-Orient. Il s’est éteint le 3 mai à Paris.
Dans ses Mémoires, à paraître mais sur lesquelles, en perfectionniste et perpétuel insatisfait qu’il était, Béchir Ben Yahmed travaillait depuis plus de dix ans, il avait consenti à se livrer un peu. À coucher sur papier la façon dont il se voyait. Exercice rare et sans doute difficile pour lui. Il s’y décrivait en journaliste, chef d’entreprise, homme de gauche. N’ignorant pas que certains le disaient têtu, il corrigeait : « persévérant ». Autoritaire ? « C’est une légende », assurait-il avant d’expliquer qu’il avait été, dans sa jeunesse, d’une « timidité maladive » et que ce trait de caractère expliquait peut-être un abord parfois abrupt.
Issu d’une génération de jeunes militants indépendantistes, il avait suivi une voie différente de celle de la plupart de ses camarades et disait n’en éprouver aucun regret, tout au contraire. « De tous mes congénères, ces futurs hauts cadres du tiers-monde naissant, aucun n’a suivi l’itinéraire que j’ai emprunté, écrivait-il. La plupart ont été ministres, fonctionnaires internationaux, Premier ministre, parfois même chefs d’État. »
Ministre à 28 ans
Jeune Afrique, disait-il, avait été l’œuvre de sa vie. Lorsque certains, qui l’avaient connu membre du premier gouvernement de Bourguiba, continuaient, des décennies plus tard, à s’étonner qu’il n’ait pas creusé ce sillon-là et demandaient « ce qu’il s’était passé » pour que le jeune et prometteur ministre tourne le dos à la politique, il répliquait sans hésiter : « Il s’est passé que je ne l’ai pas voulu. Parce qu’il y a un prix à payer, que je refuse de payer. Je ne veux pas faire ce que font les hommes politiques pour avoir des voix : mendier, faire des sacrifices, des compromis qui sont des compromissions. J’en suis incapable. » LIRE LA SUITE