« ITMAHRAG », une création d’Olivier Dubois, chorégraphe et danseur par Lydie Léa Chaize
اتمهرج,
ITMAHRAG est le fruit de l’imagination de ce chorégraphe de talent, parti à la rencontre de la jeunesse égyptienne, en résidence au Caire, cité qu’il affectionne particulièrement. S’il est des spectacles dont on retiendra le souffle, celui de l’espérance et de la joie de vivre, c’est bien celui d’une jeunesse issue des quartiers populaires du Caire qui nous offre un moment de théâtre inouï. Cinq danseurs, 3 musiciens et chanteurs, se déplacent avec délectation dans une frénésie de paroles accompagnées d’amples gestuelles et de sons musicaux électroniques remixés jusqu’à être saturés.
Inspiré d’une musique traditionnelle égyptienne, du hip hop et, plus généralement du rap, le MAHRAGANAT (signifie festival en arabe), communément appelé électro-chaabi (chaabi signifiant peuple) est un genre musical populaire des années 2000. Il accompagnait toutes sortes de festivités en Egypte: dans les rues, dans les cafés, à l’occasion de mariages ainsi que dans des manifestations diverses et variées. Ce genre musical a été revu et corrigé depuis, avec quelques outrances de langage, du fait de la révolution de 2011, post Moubarak.
Tour à tour, entre l’arabe et l’anglais, on parvient à comprendre, par exemple la mélancolie des mots du
Poème, interprété en son temps par Oum Kalthoum
« O mon amour, j’ai un jour visité le nid
De l’oiseau du désir ardent pour lui chanter ma douleur.
Tu as la nonchalance de l’amoureux généreux
Et la cruauté du puissant qui trône.
Pourtant ma tendresse pour toi me brûle les côtes
Et les secondes sont comme des braises dans mon sang ».
Alors, les corps se contorsionnent avec dextérité, dans une énergie débordante, dans une liberté jubilatoire, évoluant sur scène au rythme des chants populaires et d’un langage argotique, au rythme des percussions musicales abyssales. La mise en scène, la scénographie sont explosives ! Les danseurs intrépides font virevolter les chaises. On danse, on se déploie, on s’agrippe les uns aux autres, on s’aime, on se défoule, après tant de misères d’un passé douloureux.
Et, dans un décor très graphique fait de grands panneaux d’où émanent une lumière fulgurante et une fumée envahissante, les couleurs incandescentes rougeoient…. Est-ce le feu ? Le feu de l’enfer, l’Enfer de Dante ?…. Sous nos yeux règne une ambiance apocalyptique; vingt minutes au son d’une musique psychédélique tonitruante que la foudre des Dieux Zeus, Indra, Thor,…n’auraient pas désavouée. Tout n’est que cendres et désolation, et pourtant les comédiens sortiront heureusement indemnes de cet enfer, pour retrouver l’espérance d’une vie meilleure, d’un « Paradis »….retrouvé ?…
C’est là, une vision poétiquement moderne, celle d’une Egypte sociale nouvelle, imprégnée tout de même….d’une réminiscence d’un lointain passé glorieux, d’un pays ancestral fascinant ! Dans ce tourbillon virtuel infernal de mort et de renaissance, à la fois fantomatique et populaire, cette création est riche de sens. Ici l’Art est Vie, l’Art est Violence.
« Car il est des élans que seule la jeunesse fait surgir…
Elle danse à la lumière de son couteau.
Vorace la jeunesse. Féroce le vieillard.
Et elle gronde fort, et elle frappe fort, et elle danse fort !
Retiens ton souffle !
Ils…
la…
Mort
Elle agite ses bras
Il baisse les siens – de face – une jeunesse vérité ».
Olivier Dubois.
DISTRIBUTION
- Direction artistique et chorégraphique : Olivier Dubois
- Musiciens et chanteurs : Ali Elcaptin, Ibrahim X, Shobra Elgeneral
- Danseurs : Ali Abdelfattah, Mohand Qader, Moustafa Jimmy, Mohamed Toto
- Directeur musical: François Caffeenne
- Régie Générale : François Michaudel
- Lumières : Emmanuel Gary
- Scénographie : Olivier Dubois & Paf atelier
Ce spectacle a été présenté le 29 janvier 2021 à huis-clos et en streaming le 29 janvier 2021, dans le cadre du festival Vagamondes à la Filature, scène nationale de Mulhouse.Et, récemment, il a été présenté devant nous, professionnels de la Culture, dans le cadre du Festival Séquence, Danse, Paris au Théâtre « LE CENTQUATRE ». Pour toute information sur la tournée en France : olivierdubois.org/tournée.
Retrouvez les Coups de Cœur Culturels de Lydie Léa Chaize : LE BILLET DE LEA
Anatole France a écrit : « Le bon critique est celui qui raconte les avatars de son âme au milieu des chefs d’œuvres». Et, plus tard Louis Jouvet nous explique : « Au théâtre, il n’y a rien à comprendre mais tout à ressentir »
L’intitulé de mon blog « Mes Coups de Cœur Culturels… » était en quelque sorte ces pensées auxquelles j’adhère totalement. En qualité de journaliste, j’entends vous faire partager un ressenti, une émotion, un enthousiasme plutôt que de retranscrire le synopsis d’une pièce de théâtre qui ne donnerait pas forcément envie de se déplacer… Voilà pourquoi je veux vous rendre compte de ce que m’évoquent aussi une exposition de peinture ou d’art plastique, un lieu particulier dont on n’a pas forcément entendu parler, d’un voyage hors des sentiers battus, d’une musique qui m’a transportée, d’un restaurant particulier… puisqu’il faut bien penser également aux nourritures terrestres !…
A travers « mes papiers », je cherche souvent à vous donner quelques références susceptibles de vous emmener chaque fois, un peu plus loin pour que vous ayez envie de devenir un cherchant. C’est dans ce sens qu’il me serait agréable d’avoir un retour sur ce que j’écris, de façon à cheminer ensemble dans l’unique but de vous faire partager ma passion de l’Ecriture et de la Culture.
