
La tutelle américaine est flagrante sur toutes les affaires de l’État libanais et
encore plus évidente depuis les élections présidentielles, la nomination du
Premier ministre et la formation du cabinet, ainsi qu’à travers les nominations
administratives et de sécurité en cours.
Profitant des répercussions de la récente agression israélienne sur le Liban
menée par les États-Unis et de la décision libanaise qualifiable de «non
souveraine», les États-Unis semblent enthousiastes à l’idée de lancer une soi-
disant voie de «paix» incluant le Liban et la Syrie.
L’agence Reuters a récemment fait état d’une nouvelle ingérence dans la
sélection du gouverneur de la Banque centrale libanaise en interrogeant certains
candidats potentiels – à Washington et dans le repaire des espions américains
(l’ambassade) à Beyrouth – sur leur volonté d’affronter le Hezbollah.
Cette tutelle américaine s’est manifestée de la manière la plus éhontée lors de la
visite de Morgan Ortagus, l’envoyée spéciale adjointe du président pour l’Asie
occidentale, qui a affirmé – après avoir loué l’agression israélienne contre le
Liban – l’intention de son pays d’isoler et de désarmer le Hezbollah.
Des sources diplomatiques ont également révélé que le message transmis par
l’administration Trump à Beyrouth comprenait des menaces selon lesquelles le
Liban serait confronté à un plus grand isolement et à une dévastation
économique s’il ne s’engageait pas à réduire l’influence du Hezbollah.
Lors de la récente agression contre le Liban, l’ambassadrice américaine à
Beyrouth, Lisa Johnson, a demandé aux forces politiques anti-résistance de «se
préparer à l’ère post-Hezbollah».
Washington prévoit de construire un système politique libanais souple pour
l’amener progressivement sous l’égide des accords d’Abraham, c’est-à-dire la
normalisation avec Israël, et ce par le biais d’une pression économique
systématique.
Washington est conscient qu’il ne peut imposer son hégémonie qu’en renforçant
les sanctions économiques contre les individus et les entreprises liés au
Hezbollah ; il s’agit d’une approche américaine de longue date, mais dont
l’intensité s’est considérablement accrue depuis l’éclatement de la crise
financière, en 2019.
Ces sanctions américaines, presque entièrement coordonnées avec l’Union
européenne, ont un impact direct sur des secteurs économiques vitaux au Liban,
tels que les secteurs bancaire et commercial, exacerbant les souffrances des
citoyens libanais, en particulier dans des régions telles que le Sud, la Bekaa et la
banlieue sud de Beyrouth.
Ces sanctions américaines visent à isoler économiquement le Hezbollah,
l’empêchant de reconstruire ses capacités militaires après la récente agression
israélienne.
Il ne fait aucun doute que le contrôle des groupes extrémistes et de la ligne dure
sur le pouvoir à Damas a privé le Hezbollah de l’accès aux armes à travers la
frontière libano-syrienne, ce qui est conforme au plan américano-israélien.
En outre, les frappes aériennes et les assassinats israéliens répétés dans le Sud,
dans la Bekaa et dans d’autres régions reflètent un effort incessant pour
restreindre les capacités logistiques du Hezbollah.
Washington fait également pression pour ce qu’il appelle des «réformes
juridiques» que le gouvernement libanais doit mettre en œuvre, ce qui limiterait
les capacités d’Al-Qard al-Hassan, l’institution financière liée au Hezbollah.
Washington continue d’exploiter son influence au sein du Fonds monétaire
international et de la Banque mondiale pour empêcher toute aide financière de
parvenir au Liban si ces prétendues réformes ne sont pas mises en œuvre d’une
manière qui serve ses intérêts. Washington fait notamment pression sur le
gouvernement libanais pour qu’il privatise des secteurs vitaux, ouvrant ainsi la
voie au contrôle des leviers de l’économie libanaise par des entreprises
occidentales et israéliennes.
Ces efforts coïncident avec l’ordre clairement donné par les États-Unis au Liban
d’empêcher tout avion iranien d’atterrir à l’aéroport de Beyrouth afin de limiter
la possibilité de transférer des fonds de l’Iran au Hezbollah.
Depuis des années, les États-Unis s’efforcent d’assurer leur contrôle sur l’armée
libanaise et de nommer un commandant aligné sur leurs politiques.
Washington cherche maintenant à positionner l’armée contre la résistance, qu’il
s’agisse du Hezbollah ou des factions palestiniennes, afin d’assurer la sécurité
des colonies israéliennes dans le nord de la Palestine occupée et, par conséquent,
la sécurité de l’ensemble de l’entité occupante.
L’aspect le plus dangereux du contrôle de l’armée est la volonté américaine de la
pousser à désarmer la résistance, ce qui conduira inévitablement à la division et
à la fragmentation de l’armée, une répétition de l’expérience des années 1980.
Ce qui vaut pour l’armée vaut également pour toutes les autres agences de
sécurité, dont les nominations doivent être conformes aux normes américaines.
L’imposition par Washington de la sélection des membres du gouvernement
s’applique inévitablement à la nomination des chefs de la sécurité, de sorte
qu’ils sont soumis au système que les Américains jugent nécessaire pour
imposer leur tutelle sur le Liban.
Washington estime que le Liban se trouve face à une opportunité historique qu’il
faut exploiter pour l’obliger à normaliser ses relations avec Israël.
Morgan Ortagus, l’envoyé spécial adjoint des États-Unis pour l’Asie
occidentale, a laissé entendre que les développements actuels ouvrent la voie à
l’ouverture de négociations israélo-libanaises visant à signer un accord de
«paix» entre les deux parties.
Par ailleurs, la Brookings Institution a révélé que Washington a fait des progrès
significatifs pour convaincre de nombreuses élites politiques et économiques au
Liban qu’une solution à la crise financière peut être trouvée en promouvant des
projets économiques communs, tels que l’exportation de gaz libanais à travers
l’entité d’occupation israélienne et le développement des ports libanais avec des
fonds américains et du Golfe, à condition que la normalisation soit effective.
Ce que Washington tente d’imposer, c’est que ce qui a été détruit par son
agression de septembre-novembre contre le Liban ne sera reconstruit que par le
biais d’une normalisation avec Israël.
Les rapports du Fonds monétaire international indiquent que l’aide financière
internationale est conditionnée à la mise en œuvre de réformes financières qui
limitent la capacité des forces locales à financer des activités de soutien à la
résistance.
Dans ce contexte, Greg Steube, membre républicain du Congrès américain, a
présenté la loi PAGER, qui vise à imposer des sanctions économiques et
financières au Hezbollah et à ses alliés, en plus de faire pression sur le
gouvernement libanais pour qu’il s’engage à mettre en œuvre les politiques
américaines dans la région.
Cette provocation vise à isoler le Hezbollah et à tarir ses sources de
financement, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, ce qui complique encore
la crise économique libanaise et oblige le gouvernement à faire des choix
politiques et économiques spécifiques qui s’alignent sur les intérêts américains.
Le gouvernement israélien a déclaré avoir conclu un accord pour entamer des
négociations avec le Liban afin d’aborder des questions telles que les cinq zones
contrôlées par Israël au Sud-Liban.
Malgré tout, les Israéliens s’inquiètent de la capacité du gouvernement libanais à
résister aux pressions internes, d’autant plus que les Américains et les Israéliens
se rendent compte que le soutien populaire à la résistance est très important et
difficile à affaiblir rapidement et facilement.
Le Liban se trouve aujourd’hui à un carrefour critique où Washington cherche à
imposer sa vision, comme l’a récemment indiqué Steve Witkoff, l’envoyé de
Trump en Asie occidentale, qui a exprimé son optimisme quant à la possibilité
que l’Arabie saoudite rejoigne les accords d’Abraham.
Dans un contexte de fortes divisions internes et d’accélération des défis
régionaux, l’avenir reste ouvert à plusieurs possibilités, d’autant plus que le
pouvoir libanais est impuissant.
Le Liban maintiendra sa résistance ou se soumettra à l’hégémonie américano-
israélienne. Seuls les jours à venir permettront de savoir dans quelle mesure ce
plan atteindra ses objectifs ou échouera face à la volonté de la résistance.
*Source : Euro-Synergies