SCHISMES ET DECHIRURES

Il y eut d’abord l’islam à la conquête d’un monde séduit par une révélation divine. En terre… et en langue arabe. Puis un Jihad armé vers l’Est et l’Ouest auquel aucune peuplade n’a échappé.

Plus tard, à la mort du Prophète en l’an 632, des rivalités et un schisme sur lesquels nous ne nous étendrons sinon pour souligner que le temps a aggravé les choses, comme les autres guerres de religion dans le monde.

Le désaccord théologique en islam a donc donné naissance à deux branches hétérogènes : le chiisme duodécimain et l’interprétation ultraorthodoxe de la « Sunna » qualifiée par la suite de « sunnisme ».

En terre arabe, ces divergences jugées incompatibles n’ont explosé qu’avec l’invasion de la Perse par les Arabes au VII siècle et, beaucoup plus tard, lors de la révolution iranienne de 1979 qui a marqué une rupture à caractère stratégique entre sunnites et chiites.

Aujourd’hui, deux anciens empires, le perse et l’ottoman, prennent le leadership des deux branches de l’islam et coexistent tant bien que mal. En fait, plus mal que bien… Avec des hauts et des bas imposés par la politique et les relations de chacun des deux pôles avec l’entourage proche et les puissances planétaires.

Elément relativement nouveau : l’entrée en scène du royaume d’Arabie Saoudite qui domine la Péninsule Arabique et qui veut arracher à la Turquie l’étendard du sunnisme au nom d’une double légitimité, culturelle et géographique. Les affres de la sanglante domination impériale ottomane aiguisent encore les passions. Les associations, fondations et autres œuvres philanthropiques turques n’y font rien.

La guerre froide dans le monde, les rivalités régionales, les litiges territoriaux, le boom pétrolier et ses enjeux dans le golfe persique – rebaptisé arabe – ont créé une situation où s’affrontent l’Iran chiite et l’Arabie saoudite sunnite. La Turquie étant détournée un moment vers son rôle, confié par l’OTAN, de «gardienne du monde libre». 

 

Non sans avoir auparavant « ottomanisé » des siècles durant l’ensemble du monde arabo-musulman et le pourtour sud-méditerranéen jusqu’aux portes du Maroc.

Tout cela s’appelle maintenant d’un côté l’arc chiite qui va de l’Iran au Levant grâce à un subtil jeu d’alliances politiques et démographiques. Et de l’autre, les pétromonarchies sunnites du Golfe menées par l’économiquement puissant royaume wahabite fortement et concrètement soutenu par les bases navales, aériennes US.

Les printemps arabes de 2011 ont mis le feu aux poudres. Non seulement dans les pays qui ont pu renverser leurs leaders mais aussi dans les zones où les troubles se poursuivent, notamment la Syrie et l’Irak où s’affrontent violemment encore une fois sunnites et chiites.

Pour couronner le tout, une « guerre dans une guerre » éclate récemment du fait de la Turquie qui se proclame puissance régionale sunnite protectrice de l’islam dans le monde.

Ce bouillonnement fait de convoitises traditionnelles, de litiges territoriaux et d’intérêts pétroliers peut engendrer une guerre régionale que même les grands ne pourraient pas arrêter. Le conflit du Karabakh n’est-il pas un modèle réduit d’une grosse déflagration ?

Elément aggravant : à l’antagonisme sunnite-chiite s’ajoute le conflit multiforme arabo-israélien qui donne au troisième larron israélien la possibilité de frapper l’Iran par l’alliance saoudo-américaine. A moins que la nouvelle administration US ne parvienne à calmer le jeu.

Dans ce contexte hautement explosif, potentialités tant clamés par les libanais auraient pu instaurer une paix régionale. Notre droit de rêver nous aurait incité à jouer ce rôle historique.

Mais, notre rêve s’est interrompu dès lors que sur la scène libanaise même la composante chrétienne s’est scindée en deux, pour se ranger derrière des chiites pour les uns et soutenir les sunnites pour les autres. Au lieu de donner l’exemple au monde arabo-musulman d’une force unificatrice rêvée.

Il est vrai que, chez nous, on ne fait rien pour la gloire…