
Un politologue israélien se demande comment la mémoire du message de paix d’Yitzhak Rabin a pu s’effacer en Israël.
C’était il y a 30 ans, le 4 novembre 1995 : ce soir-là, alors qu’il vient de s’exprimer devant une foule immense rassemblée à Tel-Aviv pour soutenir les accords d’Oslo signés avec Yasser Arafat, Yitzhak Rabin est assassiné par un opposant au processus de paix, le jeune militant d’extrême droite Yigal Amir.
Un nom présent partout dans le pays
C’est un choc en Israël, Rabin est immédiatement érigé en héros national. D’ailleurs, comme le souligne Denis Charbit, son nom est encore présent partout dans le pays : il a été donné à des dizaines d’établissements scolaires, à des parcs, à un hôpital, à une autoroute, à des bases militaires et à la place de Tel-Aviv sur laquelle il a été assassiné.
Pourtant, son message de paix, lui, semble avoir disparu. Denis Charbit a donc voulu comprendre comment la mémoire de cet événement a pu aboutir à la situation actuelle.
Quand Nétanyahou succède à Rabin
Au lendemain de l’assassinat, beaucoup d’Israéliens pensent que ce drame va accélérer le rapprochement avec les Palestiniens. Or tout change au début de l’année 1996, quand Israël décide d’éliminer un membre important du Hamas.
Le Hamas riposte avec une série d’attentats à Jérusalem et à Tel-Aviv. La confiance dans le processus de paix est ébranlée. Aux élections suivantes, les travaillistes, donc les successeurs de Rabin, sont battus pour quelques dizaines de milliers de voix.
Le chef de l’opposition est alors nommé Premier ministre, un certain Benyamin Nétanyahou. Denis Charbit appelle cela « la seconde mort de Rabin ». Parce que Nétanyahou, qui était opposé aux accords d’Oslo, est accusé par la famille de Rabin d’avoir nourri le climat de haine qui a abouti à l’assassinat de l’ancien Premier ministre.
Une mémoire qui s’estompe dans les écoles
Nétanyahou se retrouve obligé de prononcer chaque année, en tant que chef du gouvernement, un discours d’hommage à son prédécesseur. Mais, comme le montre Denis Charbit, il en profite pour imposer un nouveau récit : Rabin a été victime de la division du pays, division causée par le processus de paix, il faut donc mettre fin à ce processus au nom de l’unité nationale.
Dans les écoles, le souvenir de Rabin s’estompe. Il sert encore parfois à condamner la violence politique. Mais la motivation de son assassin n’est pas mentionnée, là aussi au nom de l’unité nationale.
Il se trouve qu’au fil du temps l’évolution démographique favorise plutôt la droite nationaliste et religieuse, en Israël. Le Hamas, lui, a pris le pouvoir à Gaza. Aussi, tout discours favorable à la paix s’est peu à peu effacé pour laisser face à face ceux qui n’en ont jamais voulu.
