Entretien entre Caroline Galactéros et André Bercoff sur Sud Radio concernant l’Ukraine, la Russie et les USA

Un échange animé sur les antennes de Sud Radio entre André Bercoff et Caroline Galactéros a donné lieu à des milliers de commentaires au début du mois de juillet. Il porte sur la Russie, l’OTAN et les USA. Passionnant, il s’adresse à l’intelligence de l’auditeur qui met les choses en scène, elle-même. Un complot, invisiblement ?

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Vous, néogéopoliticiens, exagérez ! Moi je dis à tout ce vacarme, pour paraphraser Stéphane Mallarmé (dans IGITUR)  : certainement, il y a là du vrai, cette folie existe ! Mais, la guerre d’Ukraine ayant nié le hasard, j’en conclus que l’Idée a été nécessaire mais qu’il faut se défier d’en faire les déductions prévues sans de grandes précautions.

Discrédit de l’Occident ? Déconnection de la réalité ? Défaillance morale de ceux qui étaient les garants des Accords de Minsk (la France et l’Allemagne) ? Machination américaine, un « must » ! Menées russes, certes ? Désinvolture coupable de l’Union Européenne ? Conspiration sioniste, subtile parce que embarrassée ? Turquerie, peut-être ? Conjuration chinoise, pas encore. Pourtant tout ensemble – le drame est causé par des coups de dés et par les conjonctions de ce qui précède. Il n’y a qu’à revenir sur soi, dites-vous, envisager différemment (le but de) la guerre et – malgré que tout cela a été expliqué – éviter l’escalade en neutralisant (sic) l’Ukraine.

Et cela pour empêcher que l’Iran ne sombre sous l’empire du BRICS (composé du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud, pris de réunionite annuelle), en faisant alors basculer le monde d’avant 1991 d’un coup de barre colossal à l’Est ! La belle affaire, l’Iran est un grand garçon de six mille ans et sait ce qu’il doit faire.

Quant à l’Europe, la pauvre tangue, son falot est éteint, sa coque est démâtée, ses chefs sont déjantés – Houla ! Non, l’Europe ne s’est pas rompue. La France « était » le pays de l’équilibre, jusques alors (merci à la famille Dassault !! pourquoi pas) une puissance libre, désormais en danger de mort cérébrale stratégique. Comment pouvez-vous proférer cela, alors qu’elle se réveille ? Pour permettre à vos fans de réfléchir, probablement. Est-ce l’Allemagne qui vous fait peur ? Ou la crainte de voir le centre de gravité de l’Union Européenne bouger un peu plus de Strasbourg vers les pays de l’Est ?

La Guerre d’Ukraine est systémique, quelle que soit la puissance qui l’ait guidée ; elle était attendue – changement climatique et progrès technologiques nous obligent – programmée dans le gène des Nations – et elle est salutaire. La transition énergétique en est accélérée, crucialement – c’est bon, le sujet est éculé – c’était inéluctable. La révolution cybernétique voire quantique (lasers, ordinateurs) condamnait par ailleurs les systèmes d’armes sur lesquels reposaient depuis des décennies la sécurité des pays ; les complexes militaro-industriels étaient avides de commandes et les stocks de munitions potentiellement obsolètes, aussi coûteuses à détruire que chères à fabriquer, avaient à être écoulés sur un véritable champ de bataille, pendant un intervalle de temps assez long et d’une intensité de combat suffisante pour que l’on s’en débarrassât pour de bon – sachant que l’innovation est destructrice, Monsieur Bercoff ! Que les Américains soient égocentriques et pragmatiques – et pis encore, que leur État soit pervers, si vous voulez même, Madame Galactéros – cela est connu (au point de débarquer en Normandie sans prévenir le général. Diantre !). Il est normal (anormal mais logique) qu’ils aient choisi l’Europe du Nord, à son tour, là où existait une faille parfaitement répertoriée. Le conflit ukrainien n’est pas seulement tellurique, il est endémique, intermittent, presque habituel – facile à déclencher. Nos industriels de l’armement en tireront parti.

Les unions (ouvertes ou exclusives) nées après-guerre (et post-Guerre Froide) commençaient à vieillir, qui frappées de consanguinité politique, de démence précoce et d’intolérance, qui envahies par le doute (la remise en cause de valeurs considérées comme désuètes), un besoin de licence (de liberté) et le virus rageur de l’insoumission. Le phénomène est général. L’instantanéité des échanges, la magie des réseaux sociaux, l’essor des cryptomonnaies, la perte d’identité (y compris la filiation), l’uniformisation du langage (l’Anglais), la banalisation du consumérisme (jusqu’à la marchandisation des vieillards), là est la vraie cause du grand chambardement. Rien ne sera plus comme avant. Votre bascule à tous les deux est gentillette.

Lequel d’entre Vous veut habiter la Chine ? Il en est de même des habitants de la Russie et de l’Iran. Mettons que la réciproque soit vraie, chacun est bien chez soi : le problème posé est démographique et non culturel, encore moins politique. Le corps social, la foule, la famille, l’homme (et la femme – je ne peux pas m’empêcher de les distinguer aux sens propre et figuré, mais pour encore combien de temps ?), ont la vie dure ; c’est eux l’Humanité ; elle est réfractaire aux techniques – quoi qu’on en pense – et tributaire de l’Amour spirituel et physique. Irrationnel.

Tant qu’il y aura des hommes dont le changement climatique ne sera pas venu à bout, il y aura des guerres, des trop pleins de gens. Pour l’instant, l’Inde caracole en tête au palmarès du nombre qu’il faut nourrir ; demain – c’est très vite – l’Afrique (globalement) la laissera sur place. Dans deux siècles, au rythme actuel, la Terre ne sera pas encore une boule de feu mais déjà elle sera noire, au risque de se bousculer sur les Champs-Élysées ; mais nullement de basculer.

IL reste que cette interview était passionnante entre personnes intelligentes et qu’il en faudrait d’autres à la place des constats sur les grandeurs bilantielles de la guerre que l’on nous sert en boucle (destructions, munitions, armes, performances comparées, projections d’avenir et bilan).