État palestinien, Syrie, Turquie, conscription et armes : ce qu’en pense Netanyahu

Dans un entretien sur Telegram, le Premier ministre dit préférer un accord avec la Syrie, mais refuse tout compromis sécuritaire et veut réduire la dépendance d’Israël aux États-Unis pour l’armement

Par Nava Freiberg et Lazar Berman21 novembre 2025, 11:30

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réaffirmé, dans un entretien diffusé jeudi soir, qu’il n’y aurait pas d’État palestinien, et ce, même au prix d’une normalisation des relations avec l’Arabie saoudite.

« Il n’y aura pas d’État palestinien. C’est très simple : il n’en verra pas le jour », a déclaré le Premier ministre dans un long entretien accordé à Abu Ali Express, une chaîne Telegram très suivie.

Lorsque le journaliste lui a demandé si son opposition tiendrait même au prix de compromettre la normalisation avec Ryad, qui insiste sur une voie crédible vers la création d’un État palestinien en échange de relations officielles, Netanyahu a répondu : « La réponse est : il n’y aura pas d’État palestinien. Cela représente une menace existentielle pour Israël ».

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Questionné sur ce qui avait entravé la normalisation avec les Saoudiens, Netanyahu a expliqué que la guerre à Gaza avait ralenti les progrès, mais que « les conditions pourraient évoluer » maintenant que le conflit touche à sa fin.

« Il faut cependant que les conditions soient acceptables pour les deux parties, qu’elles soient favorables aux deux parties », a-t-il déclaré. « Je sais comment rester ferme sur nos conditions essentielles et ne pas mettre en danger notre sécurité. Si ce processus devait aboutir plus tard, excellent. Sinon, nous protégerons nos intérêts vitaux. »

Plus tôt dans la semaine, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) avait déclaré que Ryad souhaitait adhérer aux accords d’Abraham, tout en appelant à garantir une voie vers une solution à deux États, lors d’une rencontre avec le président américain Donald Trump à la Maison Blanche.

Le président Donald Trump rencontre le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane dans le bureau ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 18 novembre 2025. (Crédit : Evan Vucci/AP)

Abordant la situation dans la bande de Gaza, Netanyahu a indiqué à la chaîne qu’Israël rouvrirait le poste-frontière de Rafah, entre l’Égypte et Gaza, après avoir reçu les trois dépouilles d’otages toujours aux mains du groupe terroriste palestinien du Hamas, ajoutant qu’Israël était « sur le point d’achever » le processus.

« Nous avons convenu que nous rouvririons le passage après avoir reçu tous nos otages. Nous sommes très proches d’achever ce processus, c’est prévu, et une fois que ce sera fait, nous rouvrirons le passage », a déclaré le Premier ministre.

Netanyahu a ajouté qu’une fois que les otages auront été rendus et que le passage aura rouvert, il « serait très heureux de voir l’Égypte autoriser tout Gazaoui qui souhaite partir par le passage à le faire, car cela n’a pas été le cas jusqu’à aujourd’hui ».

« Tout Gazaoui qui souhaite partir devrait pouvoir le faire, et ce droit leur a été refusé », a-t-il poursuivi, précisant que le plan en 20 points de Washington pour Gaza « incluait ce droit : il établit le principe selon lequel tout Gazaoui qui souhaite partir peut partir. Personne n’est expulsé, mais si une personne souhaite partir, qu’elle parte. Si l’Égypte accepte cela, je trouve que c’est très positif ».

L’ambassade de l’Autorité palestinienne (AP) en Égypte a fait pression pour la réouverture du passage, largement fermé depuis l’entrée des forces israéliennes à Rafah en mai 2024, afin de permettre aux Palestiniens vivant en Égypte de retourner à Gaza. L’Égypte a répété qu’elle bloquerait tout « déplacement » de Gazaouis hors de la bande déchirée par la guerre, qualifiant cela de « ligne rouge » pour Le Caire.

Un accord avec la Syrie est « préférable », mais la défense des frontières sera assurée « avec ou sans accord »

Au lendemain d’une visite dans un avant-poste situé dans la zone tampon contrôlée par Tsahal, dans le sud de la Syrie, Netanyahu a déclaré qu’un accord de sécurité avec Damas constituait son option privilégiée, mais qu’Israël ne ferait aucun compromis sur la sécurité de ses frontières ni sur la protection des minorités du pays voisin.

« Je pense que la Syrie a autant intérêt qu’Israël, voire davantage, à conclure un accord de sécurité avec nous », a affirmé le Premier ministre.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rend visite aux troupes de l’armée israélienne dans le sud de la Syrie, accompagné du ministre de la Défense Israel Katz, du ministre des Affaires étrangères Gideon Saar, du chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir, du directeur du Shin Bet David Zini, de l’ambassadeur israélien aux États-Unis Yehiel Leiter et d’autres officiers supérieurs de l’armée israélienne, le 19 novembre 2025. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Interrogé sur l’intérêt du président syrien Al Sharaa pour un tel accord, actuellement négocié sous la médiation des États-Unis, Netanyahu a répondu « qu’il existe plusieurs conditions à remplir, mais je ne m’étendrai pas davantage sur cette question ».

« Mais voici l’essentiel : Israël est un pays très fort, et Israël est très déterminé. Nous ne laisserons aucune menace se développer contre nous depuis le sud-ouest de la Syrie, et nous sommes résolus à protéger nos alliés druzes dans le pays », a déclaré Netanyahu.

« Que la Syrie choisisse de parvenir à ces arrangements par un accord ou non, c’est une autre question. À mes yeux, un accord est préférable. Mais les principes de défense de nos frontières et de nos alliés seront maintenus dans tous les cas, avec ou sans accord », a-t-il affirmé.

Netanyahu a ajouté qu’Israël souhaitait également parvenir à un accord avec la Turquie, tout en reconnaissant qu’il ne pouvait exclure que ce pays devienne une menace pour l’État hébreu.

« J’espère que cette menace ne se matérialisera pas, mais nous ne pouvons pas l’exclure », a déclaré Netanyahu à Abu Ali Express.

Les relations entre les deux pays, autrefois alliés proches, se sont à nouveau effondrées durant les deux années de guerre à Gaza, le président turc Recep Tayyip Erdogan ayant fait l’éloge du Hamas et accusé Israël de commettre un génocide.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rencontrant le président turc Recep Tayyip Erdogan en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, à New York, le 19 septembre 2023. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

« Nous préférons un modus vivendi avec la Turquie », a poursuivi Netanyahu. « Mais ils sont très obstinés et tiennent des propos extrêmement radicaux, auxquels nous nous opposons. Et dans la pratique, nous avons empêché leur entrée dans le sud de la Syrie. Ils voulaient s’approcher de notre frontière, et j’ai dit que cela n’arriverait pas. Nous ne voulions pas non plus qu’ils pénètrent dans le centre de la Syrie, sur la base T-4, et nous avons même frappé cet aérodrome. »

Netanyahu a ajouté qu’Israël « maintenait un canal de dialogue, au-delà des déclarations publiques, en leur expliquant qu’il existe un intérêt partagé à éviter une confrontation ».

Il a ajouté que, malgré les efforts d’Israël pour réduire les tensions, la conception future des forces militaires israéliennes serait influencée par les capacités développées par la Turquie.

« Nous n’avons pas l’intention de renoncer à notre supériorité militaire », a insisté Netanyahu.

« Nous ne cherchons pas d’ennemis, mais nous ne laisserons aucun pays de la région nous menacer. »

Interrogé sur la possibilité que la Turquie obtienne des F-35 américains après l’Arabie saoudite, Netanyahu a répondu que « cette possibilité est très improbable, si tant est qu’elle existe vraiment ».

Des avions de combat F-35I de l’armée de l’air israélienne décollent pour mener des frappes en Iran, le 13 juin 2025. (Crédit : Tsahal)

Israël vise à mettre en place une production d’armes indépendante afin de réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis

Netanyahu a également indiqué qu’il travaillait à une initiative destinée à renforcer la production indépendante de munitions en Israël, avec une dépendance minimale vis-à-vis des États-Unis, principal partenaire de défense et fournisseur d’armements du pays, au cours des dix prochaines années.

« Je mène actuellement des discussions, dont une réunion très sérieuse de quatre heures hier, sur nos plans d’armement pour la prochaine décennie, et plusieurs éléments sont en jeu », a déclaré Netanyahu à Abu Ali Express.

« Le plus important est que nous voulons renforcer nos capacités indépendantes. L’idée centrale est que je veux éliminer, ou du moins réduire considérablement, notre dépendance aux approvisionnements extérieurs, même ceux provenant d’amis très bons et vraiment loyaux comme les États-Unis. Je veux que nous soyons aussi autonomes que possible », a poursuivi le Premier ministre.

Netanyahu a indiqué qu’il souhaitait que les capacités de combat de Tsahal continuent à « surpasser celles de tous les autres acteurs de la région », ajoutant que cela « nécessite une réorganisation complexe, des ressources importantes et de nombreuses décisions ».

« Nous devons signaler à tous les acteurs de la région, qu’ils soient amis, moins amis ou hostiles, qu’Israël est le pays le plus puissant ici. C’est notre politique. Cela s’appelle la paix par la force », a-t-il affirmé.

Un passant passe devant une affiche montrant le chef du Shas, Aryeh Deri, accompagnée du message : « Nous travaillons sur une loi visant à réglementer le statut des étudiants de la Torah », suivie de la question : « Qui essayez-vous de berner ? », dans un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem, le 28 octobre 2025. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

Les haredim devraient donner une chance au projet de loi sur la conscription

Abordant la question de la conscription des ultra-orthodoxes, Netanyahu a déclaré que le projet de loi sur l’enrôlement militaire des haredim qu’il souhaite faire adopter permettrait d’intégrer 17 000 soldats ultra-orthodoxes au sein de Tsahal d’ici trois ans.

« Je m’attends à ce que le public haredi se joigne à cet effort et lui donne véritablement sa chance. Je veux que les rabbins en autorisent le soutien à la Knesset », a-t-il déclaré.

Au cours de l’année écoulée, les dirigeants haredim se sont employés à faire adopter une loi maintenant largement leur électorat hors de Tsahal, après que la Cour suprême a jugé illégales les exemptions générales accordées depuis des dizaines d’années aux étudiants haredim à plein temps dans les yeshivot.

Il y aurait actuellement quelque 80 000 hommes ultra-orthodoxes âgés de 18 à 24 ans éligibles au service militaire, mais non enrôlés. Tsahal a déclaré avoir un besoin urgent de 12 000 recrues en raison de la pression exercée sur les forces permanentes et de réserve par la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza et d’autres défis militaires.