Xavier Houzel: « Amis marocains, modérez vos propos ! »

Chroniqueur régulier de Mondafrique, Xavier Houzel ne partage pas les arguments avancés par le gouvernement marocain et la presse qui lui est proche contre la diplomatie française et ses positions sur le Sahara occidental.
Dans un souci de pluralisme, nous publions volontiers cette contribution, même si le site « Mondafrique » a adopté, sous la plume de son directeur (voir le texte ci dessous) , une position favorable à la marocanité du territoire que se dispute le pouvoir marocain et le Polisario.
Par un libelle publié sous la plume de son journaliste Tarik Qattab et titré « L’autonomie «base» de «solution» pour le Sahara : comment l’Europe avance, alors que la France de Macron recule[i] », le site marocain « Le360 » interpelle avec véhémence une fois de plus la France. Cet article a été suivi dans le même journal d’une revue de presse intitulée « France-Algérie ou l’origine du mal[ii]», qui reprenait les colonnes du quotidien Assabah, consacrant dans son édition du week-end (4 et 5 mars) un dossier au même sujet. J’ai, enfin, lu attentivement, non seulement l’éditorial de la plus récente publication de Maroc-Hebdo[iii] mais aussi l’argumentaire construit sur les mêmes fondements, évoquant « les faux-fuyants du président de la France ». Tout cela tient du harcèlement et j’en suis attristé au même titre que des millions de Français amoureux du Maroc.
Ne nous offensez pas si je vous prie de lire la presse internationale ! Et vous y observerez ce qui se passe en Ukraine dans le Bassin du Don, que la Russie considère aussi comme étant l’une de ses provinces. Vous réfléchirez.

Non aux deux poids, deux mesures

Croyez-vous que le moment soit approprié pour que la France et son président de la République soutiennent les efforts de votre cher pays pour faire admettre une souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental que les Maures, qui, depuis toujours, y résident, continuent eux-mêmes de contester par les armes – car il s’agit bien de cela ? Uniquement.
C’est tout simplement impossible, car il ne peut pas y avoir simultanément deux traitements parfaitement opposés de deux situations parfaitement homothétiques de faits, selon la même logique, par la Diplomatie française, l’une au Donbass et l’autre au Sahara Occidental.

« Ne brûlez pas les étapes »

Attendez que les choses se calment et modérez vos propos ! D’autant plus que les évènements de Cisjordanie projettent une ombre de plus en plus sombre sur les revendications et les gestes de colons israéliens qui pensent être partout chez eux. C’est plus embarrassant encore que les évènements d’Ukraine pour les raisons que vous savez. Attendez que les choses se calment, vous dis-je !
Je vous le dis, parce que j’ai assisté moi-même à Paris à une rencontre passionnante que j’avais organisée en 2005 entre le général Hamidou Laânigri, alors à la tête de votre DGSN et très respecté et le Représentant du Front Polisario en France à cette époque. Les tribus Sahraoui ne contestaient nullement qu’au XVIIIème siècle, avant même le règne de Sidi Mohammed ben Abdallah (1757-1790), elles prêtaient allégeance intuitu personae aux souverains de l’empire du Maroc et du royaume de Fez, leurs suzerains, ce dont leurs descendants s’honorent. Ces derniers voulaient recouvrer l’autonomie territoriale qu’ils avaient perdue avec l’occupation espagnole.
La notion de souveraineté telle qu’on la cultive depuis le Traité de Berlin diffère dans leur esprit du concept féodal d’allégeance selon lequel, par exemple, le roi d’Angleterre prêtait autrefois serment de fidélité au roi de France (il faudra attendre la Guerre de Cent ans pour régler le problème).
Ne brûlez pas les étapes. L’issue des évènements d’Ukraine fera jurisprudence. Et vous verrez bien de quel côté de la balance tombera le glaive en Palestine dans le jugement de Salomon.
Xavier Houzel